Dans son cours essai intitulé « Qui est l’ennemi?« , le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian se penche sur la définition de l’ennemi. Ce petit ouvrage, paru en mai dernier, permets de poser la réflexion du gouvernement sur cette problématique, à travers différents aspects. Si le gros du propos concerne la menace djihadiste, l’auteur n’oublie pas d’ouvrir le débat sur de possibles ennemis étatiques.
Mais ce qui nous intéresse ici, c’est la question de l’influence. Le ministre revient ainsi régulièrement au fil des pages sur la question de la lutte idéologique et rappelle la limite de l’action coercitive armée contre les mouvements djihadistes. « On peut neutraliser les combattants de l’ennemi, on peut frapper ses structures, mais il est autrement plus complexe de détruire une idée, même folle« , écrit-il à propos de l’Etat islamique.
Pour Jean-Yves Le Drian, la destruction de l’Etat islamique en Syrie et en Irak n’est qu’une question de temps. Les bombardements aériens et les opérations d’appui aux milices locales devraient permettre la libération de ces territoires à plus ou moins long terme. Il reste cependant prudent sur le temps long en notant l’importance de la lutte informationnelle et idéologique, dans une approche plus globale: « On ne fait pas la guerre au sens militaire à une idéologie. En revanche, il faut mettre en oeuvre tous les moyens de lutte possible pour contrer son influence, notamment sur le terrain de l’information« .
La question de l’influence est également évoquée à travers les nouvelles réflexions stratégiques menées par des puissances concurrentes de la France, notamment la Russie et la Chine. Le ministre note à propos de ces deux pays que leurs agendas et leurs objectifs respectifs les amènent à concevoir la guerre, et surtout la guerre légitime, de manière différente. Côté chinois par exemple, les réflexions sur la réinterpretation du droit et l’exploitation de celle-ci à des fins stratégiques sont rappelées (nous avions écrit un article au sujet des « trois guerres » d’influence chinoises).
La problématique de l’influence, plus spécifiquement dans le cadre de la lutte contre le djihadisme, a par ailleurs été récemment évoquée par le chef d’état major de l’armée de terre dans une tribune publiée par Le Monde. Il y relevait l’importance du champs de bataille « des esprits, de l’influence ». Les spécialistes des opérations d’influence et leurs problématiques sont d’ailleurs de plus en plus souvent intégrés dans les problématiques d’instruction des armées, à tous les niveaux.
L’un comme l’autre évoquent l’importance de poursuivre les efforts dans ces différents domaines, sans avoir la moindre solution miracle à proposer. L’influence, que l’on parle de lutte idéologique ou de lutte informationnelle, implique d’opérer sur le temps long, avec régularité et en prenant en compte l’ensemble de la palette des outils qui existent. Jean-Yves Le Drian le rappelle subtilement, mais régulièrement, à travers toute la réflexion poursuivie dans son essai.