La katiba des narvalos, un groupe d’Internautes actif sur les réseaux sociaux, mène une campagne de contre-propagande contre l’Etat islamique (lire notamment ici). A l’occasion du 13 novembre, ils ont diffusé sur Twitter une vidéo parodique reprenant des images de djihadistes, chantant à contre courant de toute leur idéologie, la chanson de John Lennon « Imagine ».
La contre-propagande, rappelons le, est une propagande qui vise à combattre une propagande adverse. Il ne s’agit donc pas ici d’informer le public mais de combattre le message ennemi par les mêmes mécaniques. A l’esthétisme visuel et sonore des vidéos des djihadistes, la katiba des narvalos réponds par un esthétisme identique et un sonore inversé, qui parle à un public large.
On peut imaginer que l’objectif est ici de dénoncer la rhétorique djihadiste, en profondeur. Le message de cette chanson était en effet apolitique et areligieux. « Imaginez qu’il n’y a pas de pays / Ce n’est pas si dur / Rien pour quoi tuer ou mourir / Pas de religion non plus / Imaginez tous les gens / Vivant en paix. » Mis dans la bouche des djihadistes eux-mêmes, ces mots semblent souligner l’horreur de leur cause. Le sonore est d’autant plus efficace que cette chanson est très connue. Elle a été dans les top des ventes de nombreux pays occidentaux et a été reprise par une multitude d’artistes : Queen, Madonna, Elton John, David Bowie ou encore Lady Gaga et Johnny Hallyday (!). Après les attentats du 13 novembre, Imagine a fait partie des morceaux récurrents lors des hommages et commémorations.
Quelle est la cible ? On peut douter que cette vidéo ne convainque des djihadistes de renoncer à leur combat. Même pour ceux qui auraient été baigné dans des cultures occidentales et auraient été bercé par cette chanson pendant leur enfance. Pour le grand public de nos pays, cette vidéo peut cependant être un moyen de relâcher la pression, en dédramatisant l’ennemi. Est-ce inutile pour autant ? Pas forcément. Des militaires français, spécialistes de l’influence, avaient remarqué il y a quelques mois qu’en matière de propagande anti-EI, les vidéos marrantes des guignols de l’info (la reine Daesh par exemple) avaient été plus virales et efficaces que celles de la campagne stop djihadisme.
Selon l’un des membres du groupe katiba des narvalos, cette parodie peut aussi donner du grain à moudre:
« Ca pousse le spectateur à cogiter quelques secondes sur les différents niveaux de lecture plutôt que de se limiter à de l’émotionnel qui fait plus réagir avec les tripes que le cerveau. La 15aine de secondes de piano sur la fin avec l’écran noir permet de « sortir en douceur » sur une note positive puisque la musique prend le dessus sur sur l’image. Double pied de nez : victoire symbolique de l’amour sur la haine, mais aussi victoire de la musique qu’ils détestent tant sur leurs diarrhées verbales de propagande en se réappropriant leurs propres « oeuvres ». »
Selon le même activiste, cette vidéo a été réceptionnée sur Twitter avec une certaine pudeur. Les retours sont globalement positifs. Mais les relais moins nombreux que d’habitude, peut-être du fait de l’anniversaire des attentats. On notera que classiquement, les vidéos de propagande cherchent à diaboliser l’ennemi en lui enlevant toute humanité. Ici, c’est fait en sous-entendu, en comptant que le fait que le spectateur fera la démarche seul dans son esprit.
Les vidéos originales ont été répétées via le site de veille Jihadology.net et agrémentées des paroles grâce à des sites de synthèse vocale. Reste un petit travail de montage. Les autres vidéos réalisées par les narvalos offrent une belle panoplie d’exemples de contre-propagande. Difficile pour autant d’en mesurer les effets réels. D’autant plus que Twitter, depuis quelques temps, s’acharne à bannir de plus en plus systématiquement les comptes caricaturistes.