Le 2 mars dernier, le Parlement européen a levé l’immunité de Marine Le Pen pour permettre à la justice française de poursuivre une enquête pour diffusion d’images violentes. En décembre 2015, l’élue avait publié sur son compte Twitter plusieurs photos d’exactions de l’Etat islamique, dont la décapitation du journaliste états-unien James Foley. Il s’agissait alors de dénoncer les propos du chercheur Gilles Kepel qui affirmait une communion d’intérêt entre le Front national et l’organisation djihadiste, à savoir un repli identitaire.
Marine Le Pen avait fait face aux critiques, notamment politiques, dont on pouvait soupçonner une volonté d’instrumentalisation. Elle avait finalement supprimé la photo de James Foley à la demande de ses parents en s’excusant de ne pas savoir qui était la victime: « Je ne savais pas que c’était une photo de James Foley. Elle est accessible sur Google. J’apprends ce matin que sa famille me demande de la retirer. Bien évidemment, je l’ai aussitôt retirée. »
La démarche est gênante, puisqu’elle nie ainsi le respect que l’on peut accorder aux victimes syriennes. Soit on considère que ces photos ont un intérêt informationnel, et on les diffuse toutes. Soit on considère qu’elles ne respectent pas l’intégrité des malheureux et on n’en diffuse aucune.
Hypocrisie et inconséquence
Ce qui est plus embêtant, c’est que la responsable politique confesse ainsi, comme d’autres, piocher ici et là des images sans vérifier leur provenance et leur contenu. Simple maladresse? On s’en étonnera quand on sait que Marine Le Pen a un temps rêvé de devenir… Photographe. « Je suis restée marquée par les images de l’invasion en de l’Afghanistan en 1979, de la guerre des Malouines en 1982 et de l’attentat de Drakkar contre les soldats français à Beyrouth en 1983« , racontait-elle au Figaro en 2009.
Comment peut-on témoigner de la force des images de cette manière et s’autoriser à publier tout et n’importe quoi? « J’avais le sens du cadrage à l’époque », raconte-t-elle dans la même interview. Et elle l’a toujours. Marine Le Pen savait très bien en publiant ces images d’où elles venaient et à quoi elles correspondaient. Et c’est justement ce qui pose un vrai problème, notamment au Parlement européen: l’instrumentalisation de la propagande terroriste.
On notera d’ailleurs qu’elle même se disait écœurée de la manipulation à travers l’image, en témoignant de sa déception lorsqu’elle découvrit que Robert Doisneau avait monté ses célèbres clichés. Parmi ses principales références, elle cite également Robert Capa, illustre photographe… Et propagandiste financé principalement par le Parti communiste.
Le Parlement européen épingle-t-il l’élue par simple intérêt politique? Il y a peut-être un peu de ça. Mais le contexte est important: les institutions européennes ne cessent, depuis de nombreux mois, de s’interroger sur les bonnes manières de lutter contre la propagande djihadiste. Qu’une membre du Parlement puisse jouer avec tant de légèreté avec de tels clichés montre le manque de sérieux sur ces problématiques liées à l’influence et à la communication stratégique.