L’institut de sondage Pew Research Center vient de publier une étude sur la capacité des Américains à distinguer des faits et des opinions. Une enquête menée auprès de 5035 personnes qui vise à évaluer les capacités des consommateurs d’information à faire le tri sur la nature des données qu’ils consultent.
Pour cela, les sondeurs ont proposé aux sondés une série de douze affirmations. Cinq d’entre elles étaient des faits (« Barack Obama est né aux Etats-Unis », par exemple) et cinq étaient des opinions (« L’avortement devrait être illégal dans la plupart des cas », par exemple). Deux étaient formulées de manière à être moins évidentes à situer, factuellement vraies mais relevant potentiellement de l’opinion (« La fraude électorale a eu un impact sur les résultats aux élections », par exemple).
Des résultats plutôt bons
Les résultats de cette enquête sont plutôt bons. 72% des répondants ont ainsi identifié une majorité de faits et une majorité d’opinions. Ils sont donc pour la plupart d’entre eux capables de faire la différence entre des faits et des avis. 26% d’entre eux sont même en mesure de repérer tous les faits et 35% toutes les opinions.
Les deux faits présentés comme « borderline », c’est à dire factuellement vrais mais dont la formulation peut laisser un doute, sont majoritairement identifiés comme des opinions. Seuls 11% des sondés confirment y voir des faits, contre 52% qui considèrent les deux déclarations comme relevant de l’opinion. Ce résultat montre l’importance d’être clairs, notamment sur les sources qui permettent d’affirmer certaines vérités indiscutables. Ici, il s’agissait de:
- Contrôler plus les musulmans ne réduirait pas le terrorisme aux Etats-Unis
- La fraude électorale aux Etats-Unis a impacté les résultats de nos élections
L’importance de l’éducation
Une bonne éducation, des connaissances élevées et des compétences numériques aident à mieux faire le tri entre faits et opinions. Parmi les sondés, ceux qui déclarent avoir une culture politique riche obtiennent de meilleurs résultats. De même pour ceux qui maîtrisent mieux les médias numériques.
Biais de confirmation
Les résultats montrent l’impact des biais de confirmation. Selon leurs orientations politiques, les sondés sont ainsi plus susceptibles d’identifier ou non les faits et les opinions, selon que ces déclarations aillent dans le sens de leurs propres logiques politiques. Le détail de ces résultats est consultable ici.
Les faits sont plus vrais que les opinions
Qu’il s’agisse vraiment d’un fait, ou d’une opinion, les sondés qui considèrent une déclaration comme factuelle vont la considérer dans la très grande majorité des cas comme véridique. Ce qui passera pour factuel sera donc plus facilement cru et, assez paradoxalement, une minorité de gens considéreront des faits… Comme faux. Le détail de ces résultats est consultable ici.
Peu importent les supports
Dans une seconde partie de l’étude, les sondés se voient annoncée l’origine des déclarations. Qu’il n’y ait pas la source, que celle-ci soit un média libéral ou conservateur, les résultats sont globalement les mêmes. Les sondés Républicains ont une légère tendance à voir plus de faits chez FoxNews, à l’inverse des Démocrates qui y voient plus d’opinions. Mais cela se joue à une paire de points.
Conclusion
En termes d’influence, dans le cadre de stratégies conflictuelles, ces résultats donnent plusieurs pistes de réflexion:
- Plus les gens sont éduqués et plus ils parviennent à distinguer des faits et des opinions. Il sera donc plus difficile de faire passer des opinions pour des faits auprès d’audiences compétentes.
- Une déclaration présentée comme factuelle aura plus de chances d’être considérée comme véridique. Un acteur qui cherche à convaincre aura ainsi intérêt à faire reposer ses arguments sur des faits, plutôt que sur des opinions.
- Si un fait n’est pas clairement présenté comme un fait, notamment avec des sources claires et une formulation précise, il risque de passer pour une opinion.
- Peu importe que les faits et les opinions soient présentés dans des médias libéraux ou conservateurs : ils sont identifiés comme tels avec la même régularité. Un acteur qui cherche à convaincre en se basant sur des faits plutôt que sur des opinions pourra avoir la même réceptivité du public sur tous les supports. Sachant que les gens considèrent les faits comme majoritairement véridiques. Attention cependant à la nature des audiences: qui regarde FoxNews? Si ce sont majoritairement des Républicains, ils auront légèrement tendance à reconnaître les faits… Qui confirment leurs opinions. Oui, il faut suivre!
- Un manipulateur a intérêt à faire passer son opinion pour un fait. Sa déclaration passera, si elle est prise pour factuelle, pour vraie. Cette étude ne nous renseigne pas sur la capacité du public à trier le vrai du faux. Une approche éthique interdirait ce raisonnement.
Pour consulter l’étude dans son intégralité, ainsi que le détail de sa méthodologie, vous pouvez la télécharger en cliquant ici.