Deux combattants, deux histoires, deux logiques. Chaque fois, un soldat illustre sa haine de l’adversaire en mutilant ou en souillant les corps de leurs ennemis. Le premier, est Américain, sergent chez les marines. Son crime: avoir uriné avec ses camarades sur le cadavre d’un insurgé afghan. Le second, est Syrien, rebelle au sein de la brigade jihadiste al-Nosra. Son crime: avoir découpé le corps d’un soldat du régime pour mordre dans son coeur et son foie. Des horreurs dont les images ont marqué ces deux conflits respectifs, mais dont les motivations et les justifications différent.
Rob, sniper en colère qui pisse sur l’ennemi pour se marrer
Le sergent Rob Richards a récemment répondu à une interview du journal américain Marine corps times. Ce sniper du corps des marines américains de 27 ans y explique pourquoi, le 27 juillet 2011, il a uriné sur le cadavre d’un taliban avec plusieurs de ses camarades. Une longue traque d’un chef insurgé, tenu responsable de pertes parmi ses camarades, dont un soldat démembré. En représailles, le groupe de tireurs d’élite, une fois leur cible abattue, décide de souiller son corps et celui de plusieurs autres combattants d’un joyeux pipi collectif. « Sur le coup, c’était juste marrant, cela faisait sens« , explique le sous-officier.
Les joyeux lurons ont la bonne idée de se filmer pendant leur exploit. Une vidéo qui sortira et circulera, largement reprise par les médias. Elle fait scandale: l’opinion ne peut pas accepter qu’un groupe de soldats américains manque ainsi de respect aux dépouilles de combattants afghans. Les insurgés dénoncent l’acte et menacent de se venger. Le droit international interdit ce genre de pratiques, qui sont fermement condamnées.
Plusieurs soldats du groupe se voient en effet rétrogradés après cet incident. Le sergent Richards, lui, justifie cette attitude: la violence, la perte des repères d’humanité, la haine et la rancoeur envers un ennemi qui ne respecte pas les règles de la guerre. Pas de mea culpa mais une condamnation ferme de celui qui a fait fuiter les images: « un traitre qui a voulu détruire ses collègues et le corps des marines en général« .
Khalid, un insurgé qui menace les soldats syriens en croquant dans un coeur
Abu Sakkar, de son vrai nom Khalid al-Hamad, est un insurgé syrien. Jihadiste, il participe à la sanglante bataille d’al Qusayr. Il fait parler de lui en mai 2013. Dans une vidéo qui commence à circuler sur la toile, on le voit menacer au dessus du cadavre d’un soldat du régime: « Je jure devant Dieu, vous soldats de Bachar, vous chiens, nous mangerons vos coeurs et vos foies ». Afin d’être crédible, il applique en croquant dans les organes extraits dans la foulée du corps.
Cette vidéo vient s’ajouter à d’autres, montrant des islamistes décapitant leurs prisonniers ou les exécutant sommairement sans autre forme de procès qu’une simple condamnation. Ces images inquiètent: elles révèlent la bestialité de toute une partie de l’insurrection syrienne, notamment de ses composantes jihadistes. Du pain bénit pour les militants pro-Assad qui font largement circuler le film.
Abu Sakkar assure qu’il n’avait « pas le choix« . La haine et la rancune, ici aussi: il accuse le soldat tué d’avoir eu sur lui des vidéos le montrant en train de violer des civils, « une femme et ses deux filles« . Il dit ne même pas se souvenir de la scène, tout juste convaincu de ne pas avoir mangé les organes mais simplement de les avoir porté à ses lèvres. « Il fallait terrifier l’ennemi, lui faire peur« . La ville d’al Qusayr est alors littéralement assiégée.
Expliquer et justifier
Ces deux vidéos ont fait passer leurs auteurs pour des monstres. Leurs actes sont répréhensibles aux yeux du droit international qui protège les dépouilles de combattants tués au cours d’une guerre. Pourtant, les historiens observent que de telles horreurs ont systématiquement eu lieu tout au long de l’histoire. Souiller la dépouille de l’ennemi, c’est l’humilier, c’est se venger de lui et c’est lui faire peur car il s’agit de lui faire savoir. La vidéo des marines est ici un trophée, comme les colliers d’oreilles d’une autre époque. Celle des jihadistes est un avertissement, telle une tête plantée sur un piquet au bord de la route pour avertir ceux d’en face. A noter d’ailleurs que dans certaines cultures, dévorer le coeur de l’ennemi n’est pas un acte condamné mais un honneur qui lui est fait.
Que ce soit pour le sergent Rob Richards ou pour Abu Sakkar, leurs idéologies et leurs religions respectives leurs interdisent formellement de telles pratiques. Pourtant tous les deux affirment que cette conduite était évidente: « cela faisait sens », assure le premier tandis que le second dit ne pas « avoir eu le choix ».
En termes d’image, les deux vidéos sont catastrophiques. Hautement décrédibilisantes, elles font passer leurs auteurs pour des brutes. Les deux groupes optent pour la même logique: expliquer. Le sergent Richards, après son procès, témoigne dans la presse. Accompagné de sa femme, il essaie de justifier son geste. Abu Sakkar, lui, réalisera une seconde vidéo pour s’excuser, avant de répondre à plusieurs journalistes internationaux. « Mettez-vous à ma place », appelle le jihadiste en s’adressant à son interlocuteur de la BBC. C’est toute la limite de l’exercice: les opinions publiques peuvent difficilement imaginer ce qui mène ces hommes à commettre l’injustifiable, du sud afghan au nord syrien…