C’est une intéressante analogie, que nous propose George Lewi dans la revue Influenzia. Il s’interroge sur le rôle de messager du journaliste et revient, longtemps avant l’avènement du journalisme massif, sur quelques uns de ces premiers messagers. Dans la Grèce antique, il retrouve plusieurs personnages ayant joué des rôles comparables à ceux des reporters et autres éditorialistes d’aujourd’hui.
Parmi ces propositions, on trouve le coureur de Marathon. Lors de cette bataille, que l’on situe au début du Vème siècle avant Jésus-Christ, Grecs et Perses s’affrontent dans ce qui clôturera la première guerre médique. L’un des faits les mieux connus de cet événement est la course de Philippidès, un messager athénien justement, qui fût envoyé en urgence à Sparte – ou ailleurs, on ne sait en réalité pas tellement ! – pour réclamer de l’aide. L’histoire nous propose une autre thèse sur le sujet, incluant un autre messager qui aurait annoncé à la cité combattante la victoire des Athéniens.
Urgence et endurance : l’information stratégique
Cette comparaison doit nous rappeler le sens de l’information stratégique. L’information qu’il faut connaître au bon moment, souvent dans l’urgence de l’immédiateté. C’est le rôle que l’on confie aujourd’hui à de nombreux médias d’information, notamment dans l’audiovisuel. Ce rapport à l’urgence est régulièrement dénoncé tant il réduit la capacité des journalistes à vérifier leurs informations. Cette tâche peut-aussi être assumée au sein de grandes organisations par des services d’information ou de renseignement.
Notre soldat athénien, avec cette course mémorable (si l’on a retenu la distance de 42km, Hérodote n’avait pas hésité à lui attribuer l’exploit d’en avoir parcouru 250 !), a surtout donné naissance à l’un des plus célèbres exercices d’endurance. Cette course, le marathon, célèbre chez les athlètes la capacité de s’attaquer à des distances très longues. Cet autre aspect de cette comparaison nous amène aussi matière à réfléchir : l’information ne se collecte pas par accident, dans un sprint isolé, mais dans un travail de longue haleine sur la durée.
Rapidité et endurance ne sont pas incompatibles. C’est le propre du marathon : chercher à parcourir une distance colossale, excluant de fait la précipitation, au cours de laquelle on cherche à tendre vers une vitesse la plus élevée possible. C’est ce que font aujourd’hui les collecteurs d’information, journalistes ou spécialistes : les données doivent arriver vite, mais doivent être de qualité. Attention donc à ne pas attribuer, dès lors que des erreurs sont commises, la responsabilité au traitement en direct.
Une information stratégique … qui ne sert à rien ?
Dernière piste de réflexion dans cette analogie : si notre ami Philippidès est arrivé en un temps record à Sparte pour transmettre son message, au prix de sa vie … les Spartiates ne sont pas intervenus dans la bataille de Marathon. Occupés qu’ils étaient à célébrer Apollon, ne pouvaient entrer en guerre avant dix jours. L’information délivrée par le messager, aussi stratégique soit-elle, n’aura pas permis d’enclencher les effets souhaités.
Penchons-nous donc sur quelques pistes de réflexion :
- Une information, aussi stratégique soit-elle, peut ne pas suffire à assurer un avantage ou à éviter un risque.
- Une information doit être perçue dans un ensemble, un contexte, dont on ne maîtrise pas forcément tous les éléments : ici, l’on peut penser que le message est gage de survie… Les chefs athéniens n’ont pourtant pas tout misé sur cette solution.
- Vitesse et précision, pour l’information, doivent-être recherchés.