Après une longue période de crise en Côte d’Ivoire, l’armée française déploie un «bureau d’études» chargé de mener des opérations d’influences sur ce théâtre à partir de 2005-2006 (il était fermé au plus tard en 2010). L’historien Jean-Christophe Notin évoque brièvement ce service au nom si particulier après en avoir interviewer l’un des chefs pour son ouvrage Le crocodile et le scorpion.
On y apprend que ce bureau est composé d’une dizaine de spécialistes des opérations d’influence, d’active comme de réserve. Selon les périodes, l’équipe se consacre à des missions d’analyse passive ou à des actions plus actives d’influence sur le terrain. L’officier interrogé évoque plusieurs pistes sans donner trop de détails: un renfort d’analyse au profit du bureau renseignement de la force Licorne; des actions d’influence reposant sur des informations ciblées et sur des mensonges, le tout distillé avec la plus grande précaution pour éviter la récupération par l’adversaire. Ils doivent aussi travailler à améliorer l’image de l’armée française et, plus marginalement, de l’Onuci.
L’objectif principal du bureau est de contrecarrer les rumeurs et les campagnes de désinformation orchestrées par l’entourage de Laurent Gbagbo. Et il y a fort à faire tant les Ivoiriens ont tendance à s’inventer des aventures et des actes d’héroïsmes tout en répandant massivement les rumeurs. J’assistais moi-même en 2010 à une telle performance de la part de Charles Blé Goudé, ministre et «général» de la jeunesse, qui racontait au cours d’un meeting politique devant des milliers de personnes comment un groupe de ses partisans avait forcé des militaires français à libérer des centaines de milliers -SIC- de ses militants.
Le bureau d’études est sous commandement des forces spéciales. Chaque opération est validée par le GCOS, le général commandant les forces spéciales. Le commandement de Licorne est informé mais n’a pas à donner son aval. C’est d’ailleurs le commandement des forces spéciales qui a déployé le service en question, évitant une récupération de celui-ci par la DGSE.
Les activités du bureau d’études relèvent du plus grand secret. En dehors de la dizaine de militaires qui le composent, seuls le commandant de la force Licorne et le commandant du détachement de forces spéciales sont informés. L’équipe est d’ailleurs basée à l’écart des forces conventionnelles, en pleine ville d’Abidjan.
Les membres du bureau d’étude travaillent très majoritairement en uniforme. L’auteur évoque cependant quelques exceptions, des «rencontres informelles», au cours desquelles les hommes portent des tenues civiles.
Les mentions de ce bureau d’études restent rarissimes. Il est cependant évoqué en marge de l’affaire Firmin Mahé, dans une déclaration du général de Malaussène, adjoint du général Poncet lorsqu’il était aux commandes de Licorne. L’officier, un chasseur alpin, s’interroge alors sur son utilité tant son supérieur aurait tendance à «s’appuyer sur des services qui m’échappaient, à savoir les forces spéciales, un bureau d’études et d’autres fidèles du renseignement».