En 2002, alors que les Américains et leurs alliés poursuivent les opérations en Afghanistan, les spécialistes des opérations psychologiques mettent eux aussi en oeuvre leurs moyens. Les efforts se répartissent principalement entre des opérations civilo-militaires, avec notamment le parachutage de denrées alimentaires, et des opérations d’information, avec la mise en oeuvre de médias en langues locales.
Parmi ces opérations d’information, nous en relèverons une qui est somme toute assez amusante: Oussama « moustache » Ben Laden. Un tract figurant une photo, qui est en réalité un montage réalisé par le Département de la Défense américain, et qui montre le leader d’Al Qaeda jeune, en costume, rasé et portant la moustache. Une manière de prouver que le terroriste en chef a déserté, renonçant à son idéologie.
On peut lire sur ce tract:
Oussama Ben Laden le lâche et le meurtrier vous a abandonné.
Au verso de ces tracts, parachutés au dessus des zones les plus difficiles de l’Afghanistan échappant progressivement aux talibans et à leurs alliés d’Al Qaida, on peut voir une photo d’un combattant tué avec un texte allant dans le même sens que le recto.
Ici, il est écrit:
Oussama Ben Laden le lâche et le meurtrier a abandonné Al Qaeda. Il vous a abandonné et s’est enfui. Rendez-vous pour ne pas mourir inutilement. Vous ne signifiez rien pour lui. Evitez à vos familles la douleur et la colère de votre mort.
Si l’on en croit Herbert A. Friedman, sur le site Psywarrior, ces photos de soldats tués destinées à dissuader l’ennemi de poursuivre le combat sont un classique américain. La méthode a largement été employée au Vietnam. Pourtant, pendant la première Guerre du Golfe, les alliés arabes de Washington auraient conseillé de ne pas y recourir, cette approche pouvant se révéler contre-productive.
L’image de « moustache » Ben Laden visait à convaincre ses supporters, combattants ou non, que leur chef les avait abandonné. Il pourrait ainsi être caché en Occident, déguisé en costume-cravate et dépourvu de la barbe traditionnelle. Cette image aurait été appréciée par les opérateurs américains qui l’ont larguée à au moins deux reprises, en janvier et en novembre 2002.
Cette image peut toucher aussi bien les combattants que les populations en dressant de cette icône un portrait dévalorisant. L’universitaire belge Anne Morelli, dans son ouvrage Principes élémentaires de propagande de guerre, y voit une application de la volonté de diaboliser l’ennemi: « L’ennemi aura ainsi un visage et ce visage sera évidemment odieux. » Cette logique, appliquée à un message psyops, devient cette étonnante figure moustachue de Ben Laden.