Petit exemple des effets de la télévision russe sur les perceptions de la politique française par des populations étrangères. Rappelons avant tout que les recherches sur les réceptions d’information par les médias sont très fluctuantes et indécises. Nous allons donc évoquer ici un simple exemple, qui ne se veut ni représentatif d’une population plus large, ni propice à la moindre conclusion en l’état. Il doit simplement contribuer à nourrir la formulation d’hypothèses sur les conséquences de la consommation de certains médias à travers un exemple concret.
Un cadre de l’industrie privée azerbaïdjanaise, que nous appellerons Ilham, partage avec nous sa vision de la politique française à travers la télévision russe. Cultivé, l’homme a beaucoup voyagé mais jamais en France. Il est conscient que les médias qu’il consulte peuvent avoir une influence et biaiser sa compréhension du monde. En marge d’un reportage, il confie quelques éléments de ce qu’il comprends de la situation dans l’Hexagone en évoquant de lui-même les médias russes comme l’une de ses principales sources d’information:
– Marine Le Pen est la candidate la plus en vue en France, a de grandes chances d’être élue et dispose d’un programme solide, qu’Ilham salue.
– Emmanuel Macron a le regard fou. Il est en couple avec sa maîtresse d’école, rencontrée très jeune. Une pratique qui perturbe Ilham, qui tâche malgré tout de se montrer tolérant.
– Il est regrettable que François Fillon soit poursuivi pour ses affaires avec sa femme. Ilham n’en comprends pas les tenants et les aboutissants et ignore l’ampleur de la fraude suspectée.
– En France, les habitants sont mal à l’aise avec une immigration nord-africaine particulièrement massive et problématique.
– Plus largement, la France et toute l’Europe souffrent d’une immense vague de migrants.
– La France et les autres pays occidentaux sont à l’origine des chaos sécuritaires et politiques en Afrique et au Moyen-Orient. Sans l’action de ces pays présentés par Ilham comme arrogants, les pays en concernés seraient probablement dans une situation moins catastrophique.
– En France et plus spécifiquement aux Etats-Unis, les médias mentent. Ils appliquent un double standard qui insiste sur les aspects négatifs de la situation politique en Azerbaïdjan, notamment en matières de droits de l’homme, tout en ignorant les aspects positifs comme la croissance économique. Dans le même temps, ces médias refusent de se prêter à toute auto-critique.
– En France et plus spécifiquement aux Etats-Unis, les médias participent à une logique de propagande politique et guerrière hostile à Vladimir Poutine sans raisons valables, hostile à Donald Trump, cachant les causes véritables des guerres au Moyen-Orient. Accusant les médias occidentaux de cacher ces réalités, Ilham évoque le fait qu’on refuse d’enquêter sur la circulation du pétrole de l’Etat islamique. Une fois informé que de nombreux articles existent sur le sujet (ici par exemple), il se montre sceptique, affirmant ne jamais les avoir vus.
– Charlie Hebdo est un journal irrespectueux, peu recommandable.
Ces quelques éléments de compréhension d’Ilham ne permettent pas d’affirmer que s’il perçoit les choses ainsi, c’est à cause des médias russes. En effet, l’Azerbaïdjanais est peut-être tout simplement convaincu par ces hypothèses du fait de ses valeurs, de sa culture ou encore de ses fréquentations. Ces remarques peuvent être le simple fait d’idées reçues comme nous en avons tous sur les pays que nous connaissons mal. On notera cependant qu’elles sont spontanées et très précisément liées aux thématiques traitées régulièrement dans les médias d’influence russes.