Aaah Oprah… Oprah, Oprah, Oprah…
La célèbre présentatrice de télévision a, au début du conflit en Afghanistan, mis une sacré gifle communicationnelle au président Bush junior. Alors que ce dernier est en train de mobiliser les opinions en soutien des troupes américaines sur ce théâtre, alors qu’il anticipe aussi une possible invasion de l’Irak, il faut convaincre. Quoi de mieux pour cela que de faire trôner à ses côtés l’une des personnalités favorites des Américains? C’était sans compter la volonté d’indépendance d’Oprah Winfrey.
En avril 2002, le chef de l’Etat proposait en effet à l’animatrice de l’accompagner en Afghanistan au cours d’un voyage diplomatique. Une invitation qu’Oprah Winfrey déclinait, avant de lâcher l’information dans la presse. « Je me suis sentie utilisée« , a-t-elle expliqué pour justifier son choix. Bush junior voulait ainsi médiatiser massivement la rentrée scolaire afghane, petites filles au premier rang, en signe d’une victoire déjà acquise sur l’obscurantisme taliban.
L’entourage d’Oprah Winfrey tentera d’amortir le choc en assurant qu’il s’agit surtout d’une difficulté de calendrier. C’est en tous les cas ce qu’a assuré son porte-parole dans toute la presse américaine. Rien à voir avec ses sympathies pour les démocrates qui lui vaudront quelques années plus tard de soutenir ouvertement Barack Obama, promis.
Mission accomplie
L’administration Bush s’applique alors à donner l’impression que la libération de l’Afghanistan est complète. A l’époque, rares sont ceux qui parlent d’un potentiel bourbier, bien au contraire. Les talibans et les combattants d’Al Qaeda sont en fuite, Mollah Omar et Oussama Ben Laden en tête. Dans le quotidien Le Monde, un éditorial de janvier 2002 évoque ainsi « cette guerre américaine en train de s’achever« . Optimisme quand tu nous tiens.
Bush, lui, prépare pourtant un combat beaucoup plus vaste. Le 31 janvier 2002, dans son discours à l’Union, il annonce la guerre contre « l’Axe du mal ». Iran et Corée du Nord se retrouvent dans le même sac que l’Afghanistan. Surtout, la bande des super-vilains est complétée par l’Irak. Un Irak que les faucons de Washington visent depuis les attentats du 11 septembre.
Le contexte politique et médiatique est complexe, presque sulfureux. Si les Américains sont unis après les attentats du 11 septembre, ils commencent à hésiter sur certains points. Parmi les intellectuels, on se demande bien ce que Saddam Hussein vient faire dans cette histoire. Démocrates et humanistes dénoncent en boucle la situation de Guantanamo, bien avant la publication des photos de la prison cubaine qui feront débat.
Levier d’opinion
Dans ce contexte difficile, l’équipe Bush a certainement espéré rassurer l’opinion en faisant figurer à ses côtés une figure appréciée. Une méthode qui est bien rodée chez les Américains qui ont prendront l’habitude de voir leurs célébrités défiler sur les théâtres d’opération de ce début de siècle pour remonter le moral des troupes. Un peu sur le même air que ce qui se faisait pendant la Seconde guerre mondiale ou au Vietnam. Les acteurs Bradley Cooper, D. B. Sweeney, Tichina Arnold ; les sportifs Warrick Dunn ; le commentateur sportif Leeann Tweeden ; le chanteur de country Craig Morgan ; le rappeur Kid Rock ; et quelques stars de télé-réalité… L’armée américaine mettra en oeuvre un bureau tout spécialement chargé d’organiser de telles tournées, de l’Irak à l’Afghanistan. Des personnalités hautement patriotes… et généralement plutôt bien rétribuées pour cela.
En France, de tels événements ont aussi eu lieu, plus sporadiquement. Si les régiments ont l’habitude d’être parrainés par des célébrités issues de leur tissu régional, il est plus rare que celles-ci consentent le geste très politique d’un voyage sur un théâtre d’opération. Hervé Morin avait pourtant réussit à faire déplacer Charlotte de Turckheim pour le Noël afghan de 2009. Reste à savoir si c’est aussi classe qu’un chanteur de country américain.