La BBC a récupéré en janvier dernier d’intéressantes images, transmises par des rebelles syriens après avoir fouillé les corps de combattants identifiés comme Iraniens. Parmi eux, un caméraman qui a tourné ce qui pourrait avoir donné lieu, par la suite, à un reportage ou un documentaire. On y voit des Gardiens de la Révolution dans leur quotidien en Syrie: vie dans leur baraquement, formation de paramilitaires syriens, opérations auprès de la population.
L’auteur des images apparaît à un moment sur sa propre vidéo, en uniforme et armé d’une Ak-47. Une apparition qui laisse planer le doute sur son identité réelle et son rôle. S’agit-il d’un reporter embarqué avec les Gardiens de la Révolution ou d’un militaire réalisant des images, comme on le voit dans certains services de communication de nos armées par exemple (ECPAD, SIRPA).
Il est peu probable que ces images aient été destinées à être diffusées dans les médias: officiellement, Téhéran nie toute participation au conflit syrien sur le terrain . La vidéo aurait pu servir à plusieurs objectifs: mémoire (c’est notamment ce que fait l’ECPAD en France), communication interne pour informer les candidats à un déploiement en Syrie sur leur mission, archives en vue de la réalisation de documents ultérieurs après une éventuelle officialisation de l’implication iranienne.
Méthodes classiques
Le contenu des images laisse penser à des méthodes d’influence assez similaires à ce que font les armées occidentales. La tournée dans la ville avec distribution de bonbons aux enfants syriens semble être le dernier des clichés. Il fonctionne pourtant parfaitement bien, la commentatrice de la BBC évoquant elle-même une volonté de « gagner les coeurs et les esprits » de la part des Iraniens. Dans un tel contexte, les enfants sont d’ailleurs une cible de choix pour entrer dans les foyers malgré toutes les rancunes qui peuvent exister.
Influence sur les combattants locaux, aussi. Les Iraniens semblent ici prendre principalement part à des tâches d’instruction et d’encadrement. Ils forment des paramilitaires syriens qui ont déjà suivi un premier stage en Iran même. Les Gardiens de la Révolution les accompagnent ensuite sur le terrain, dans des missions de combat ou de renseignement. Ce type de pratiques est aussi un moyen de garantir une bonne image au sein des alliés locaux et d’imposer progressivement des canons tactiques militaires et des raisonnements politiques et idéologiques dans les esprits. Un moyen de s’assurer qu’à tous les niveaux, l’Iran soit perçu comme le meilleur ami de la Syrie.
Communication à destination du public iranien enfin. Selon l’utilisation de ces images, ce public peut-être interne aux Gardiens de la Révolution ou plus large. Les images montrent alors que le commando suivi par le reporter mène une guerre noble (il aide les locaux et nourrit les enfants) pour une cause juste (une guerre au nom de l’islam contre un ennemi soutenu par l’occident et des alliés arabes considérés comme ennemis).
Un tel reportage est aussi un moyen d’encourager les soldats suivis par le caméraman. Pour eux, c’est l’assurance de la postérité et qu’ils ne seront pas oubliés dans ce pays en guerre. L’un d’eux fait d’ailleurs la remarque à son collègue alors qu’ils sont filmés: « quand tu seras tué, nous pourrons pleurer en regardant les images« . La présence de la caméra les incite également à faire un peu de zèle, en récitant des chants religieux plutôt que le dernier morceau de pop à la mode qu’ils peuvent avoir l’habitude de chantonner: faites attention messieurs, l’Iran vous regarde.
Merci à Pierre Alonso de m’avoir signalé ce reportage…