L’approche des 4 D tend à se répandre aux Etats-Unis pour étudier la désinformation et en particulier pour analyser celle en provenance de Russie. Un modèle expliqué avec simplicité et des exemples concrets dans la vidéo ci-dessous, par le chercheur Ben Nimmo, membre du DFR Lab (Digtal Forensic Research Lab) et par Liz Wahl, journaliste et chercheuse qui s’est notamment faite remarquer en démissionnant en direct de la chaîne RT America.
Dismiss, distort, distract, dismay. Ce modèle est utilisé au DFR lab pour analyser et catégoriser les documents de désinformation qu’ils étudient. L’intervention présentée ici est focalisée sur les actions d’influence russes, au sein desquelles les exemples sont puisés. Ben Nimmo précise d’ailleurs à ce sujet qu’à sa connaissance, la stratégie qu’il décrit n’est pas écrite noir sur blanc dans des manuels militaires russes. Il remarque aussi que ces méthodes sont souvent présentes dans les narratifs stratégiques chinois ou dans les discours de Donald Trump, qu’il va jusqu’à qualifier de cinquième D de la désinformation (Donald).
Dismiss. Discréditer. « Si vous n’aimez pas ce que vos adversaires disent, injuriez les. » C’est la fameuse attaque ad hominem. Discréditer l’auteur d’un propos est un moyen particulièrement connu et récurrent pour manipuler. Les rhétoriciens l’ont identifié de longue date. Le terme « fake news », par exemple est souvent utilisé pour couper court à tout débat: puisque l’autre multiplie les « fake news », qu’il soit un individu ou un média, alors quoi qu’il dise est forcément un mensonge. Ben Nimmo prend aussi l’exemple de la « russophobie », brandie chaque fois qu’une information critique est diffusée à l’égard du pouvoir russe ou de ses médias d’influence.
Distort. Déformer. « Si vous n’aimez pas les faits, changez les. » Il peut s’agir de ne prendre que des éléments dans une information ou des extraits d’une citation pour leur faire dire le contraire de ce qu’est le propos original. Il peut aussi s’agir de proposer des explications alternatives à la réalité, pour en réduire l’impact. Les théories du complot en sont un parfait exemple et contribuent à égarer les opinions.
Distract. Distraire. « Si vous êtes accusé de quelque chose, accusez l’autre de la même chose. » Plutôt que de répondre à l’accusation, il va alors s’agir de changer de sujet.
Dismay. Dissuader. « Si vous n’aimez pas ce que quelqu’un se prépare à faire, effrayez-le. » La notion est difficile à traduire en français. Il s’agit à la fois de dissuader l’autre de tenir son propos et de pourrir le débat en l’accusant d’une multitude de choses, dans une logique de harcèlement. Ce sont les pratiques des trolls et des bots. L’espoir est ici que, de peur d’être accusé de quelque chose (de russophobie par exemple), l’adversaire hésite à s’exprimer voir se taise.
Facile d’utilisation. La force de ce modèle d’analyse est sa facilité d’emploi. Ses utilisateurs encouragent à y recourir lors de l’analyse d’un discours, d’un narratif ou d’un débat. L’indicateur a cependant un inconvénient: il reste assez vague et l’on peut rapidement y mettre divers éléments. Il pourra cependant donner un indice sur la nature du propos étudié. L’accumulation d’arguments relevant de ces méthodes tendra à démontrer d’une démarche particulière.
Notons à ce propos qu’il est important de rappeler que la désinformation est un processus volontaire. Si l’auteur d’un discours fallacieux est de bonne foi, on parlera plutôt de mésinformation: une rumeur relayée sans le savoir, une source qui vous a intoxiqué, une erreur de compréhension ou d’interprétation ne sont pas comparables avec un mensonge ou une manipulation volontaires. C’est souvent cette volonté, d’ailleurs, qui est difficile à démontrer.