Nous l’avons déjà vu, sur ce blog, comme ailleurs, les combattants de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) sont particulièrement appliqués et novateurs dans leurs campagnes de communication. Penchons-nous ici sur un outil particulièrement original: l’application Dawn of Glad Tidings (l’aube de la bonne nouvelle).
Cette application pour le réseau social Twitter, permet aux utilisateurs qui le souhaitent de mettre leur compte à disposition de la bonne parole d’EIIL. Très simplement, elle autorise les jihadistes à utiliser tous les comptes liés pour relayer des messages, photos ou vidéos… avec les hashtags qui vont bien. Le tout de manière temporisée et en partie aléatoire pour éviter que les messages en questions soient considérés par le réseau social comme des spam.
Quelques centaines d’utilisateurs auraient souscrit à cette application disponible en langue arabe. Au cours de la récente offensive, début juin, sur l’Irak, l’EIIL aurait ainsi poussé jusqu’à 40000 tweets par jour grâce à ces précieux relais et à la reprise par les abonnés des uns et des autres. Selon The Atlantic, cela a permis à ce moment clef que chaque recherche sur Twitter du mot clef « Baghdad » permette de sortir des résultats publiés par l’EIIL.
Cette stratégie, couplée à l’utilisation de hashtags bien précis (#ISIS, #alleyesonISIS), permet de faire ressortir les contenus souhaités par l’organisation. « Il y a plusieurs divisions d’EIIL sur les médias sociaux, explique un sympathisant au site américain Vice. Il y a le compte officiel, qui publie les vidéos, les bilans régionaux, de l’information et des photos. Il y a les comptes des combattants, qui partagent leur vie quotidienne et leur expérience au combat. Et il y a les supporters, qui combattent la propagande et les mensonges des chiites, de l’Occident et des tyrans. »
On remarque ainsi ici que l’utilisation des soutiens sert principalement de stratégie de contre-propagande. En imposant de manière massive un message, avec tous les éléments de l’argumentaire (liens, photos, témoignages), on espère que son récit triomphera de celui de l’autre, largement relayé par les médias conventionnels. Ce succès sur les réseaux sociaux a d’ailleurs permis d’obtenir un relais dans ces mêmes médias conventionnels: ces derniers, faute de pouvoir couvrir le terrain et de pouvoir interagir avec les combattants, se contentent de raconter ce qui se passe sur les réseaux sociaux, amplifiant encore leur visibilité. Un effet d’angle qui avait été largement utilisé par l’armée israélienne lors de l’opération Plomb Durci, en 2012.
Cette application propose cependant un modèle intéressant pour d’autres forces. Si elle recourt à des sentiments d’appartenance forts (patriotisme, unité face à l’adversité, oppression), elle est certainement déclinable par d’autres organisations. Des ONG pourraient proposer à des supporters de relayer automatiquement leurs messages (RSF, Amnesty, Greenpeace). Des armées pourraient aussi s’en inspirer: il ne serait pas surprenant de voir les Américains ou les Israéliens proposer à leurs soldats et à leurs sympathisants de mettre leurs comptes à disposition d’un relais de messages pour soutenir l’effort de guerre ou le lien avec les communautés. La France, accusant une frilosité réelle avec ce type de méthodes, risque de ne l’envisager qu’à l’extrême. Ce serait pourtant un moyen efficace de faire circuler la viralité des messages. A une limite près, éthique: celle de l’autonomie des Internautes relayant le message.