Dans son dernier essai, Pierre Conesa dénonce le cinéma de propagande comme arme de propagande absolue. Un ouvrage à charge, qui aborde plusieurs thématiques d’influence du septième art.
Constater que Hollywood est une machinerie idéologique valorisant le mode de vie et la société américaine a déjà été fait par d’autres, bien plus experts et cinéphiles que l’auteur de ces lignes.
Cette conclusion de l’auteur lui-même souligne bien les failles de cet ouvrage. Pierre Conesa semble, à longueurs de pages, vouloir convaincre à tout prix que le cinéma américain est mauvais par nature. Non seulement il servirait d’arme de propagande dans les guerres de l’Amérique, mais il porte en plus tout le racisme qui serait propre au peuple américain. Si ce dernier a tant discriminé les Noirs, les Indiens et les Hispaniques, c’est probablement à cause du grand écran.
Sa thèse a le mérite d’être explicite: « Hollywood est incontestablement le meilleur cinéma du monde. Paradoxalement, c’est aussi le plus insidieux, avec une grande quantité de mauvais films sur la violence et la guerre contre l’autre. » Au fil des pages, Pierre Conesa égraine les exemples de longs métrages ayant porté des clichés racistes ou ayant survalorisé le rôle de l’armée américaine dans différents conflits.
Se référant à la notion de « propagande sociologique » de Jacques Ellul et à la classification des discours de propagande de Lord Ponsonby, il décrit le cinéma américain comme un appui systématique aux politiques néoconservatrices américaines. Pierre Conesa trace ici un fil entre racisme et interventionnisme, dans une prise de position qui semble très personnelle:
La fierté nationale américaine n’est plus à démontrer. Pour qui s’est promené dans ce pays jalonné de drapeaux sur les barbecues, les véhicules, les vélos ou les fenêtres, elle est partout. C’est une fierté démonstrative difficilement compréhensible alors qu’il s’agit d’une nation qui a été esclavagiste jusqu’en 1865, impérialiste avec la doctrine Monroe dès 1823 en Amérique latine, génocidaire contre les Indiens pendant les guerres indiennes à chaque passage des républicains au pouvoir, ségrégationniste jusqu’aux années 1960 et raciste, encore aujourd’hui, comme le montre le mouvement Black Lives matter.
Le parti pris est tel qu’il semble régulièrement frôler la mauvaise foi. Il ne cite ainsi qu’à la marge tous les films illustrant du réel débat d’idées qui existe à Hollywood, avec des chefs d’oeuvre comme Full Metal Jacket (Stanley Kubrick, 1987), Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979) ou le plus confidentiel Redacted (Brian De Palma, 2007). Certains de ces films ont certainement beaucoup plus marqué les esprits du public que ceux de Chuck Norris, que l’auteur cite presque toutes les dix pages comme s’il s’agissait du principal acteur du cinéma américain.
Pas question d’ailleurs d’accorder le moindre crédit à la bonne volonté de certains réalisateurs qui voudraient porter d’autres valeurs. Si Pierre Conesa n’évoque dans ses pages ni Amistad (Steven Spielberg, 1997), ni La Ligne Verte (Frank Darabont, 2000), il n’hésite pas à moquer Robin des Bois Prince des Voleurs (Kevin Reynolds, 1991). Pas pour les piètres performances de Kevin Costner mais pour la présence de l’acteur noir Morgan Freeman dans le rôle d’Azeem. Un noir dans un film médiéval, c’est aussi absurde historiquement que de mauvaise foi de la part d’un Hollywood qui veut se racheter une bonne conscience. En fait, l’idée venait de la série britannique Robin de Sherwood (Richard Carpenter, 1984-86) qui apportait le personnage d’un sarrasin, Nasir (joué par un blanc). Kevin Reynolds a opté lui pour un maure, dont l’arrivée du peuple dans le sud de l’Europe date du VIIIème siècle, soit cinq siècles avant les aventures de Robin Hood. Morgan Freeman est-il trop noir pour jouer un berbère ?
Les relations entre Hollywood et le Pentagone sont pourtant un véritable sujet d’étude, digne du plus grand intérêt. Il mériterait cependant d’être aussi nuancé que les valeurs de la population américaine, réduites ici à un racisme primaire et généralisé. Peut-on ainsi se contenter d’une majorité de films à petits budgets, aux audiences parfois minimes, pour nier l’impact qu’ont eu des chefs d’œuvres comme Danse avec les loups (Kevin Costner, 1990) ou Forest Gump (Robert Zemeckis, 1994) ?
Il nous semble que la thèse de Pierre Conesa défendue ici ne convaincra que les plus hostiles aux Etats-Unis, avides d’ajouter quelques arguments chiffrés et précis à leur argumentaire anti-Américain. Pour les autres, soucieux de nourrir leur réflexion sur l’influence du cinéma américain dans le contexte de la guerre, nous préférerons relire le plus classique, plus nuancé et plus argumenté Hollywood, le Pentagone et le monde (Jean-Michel Valantin, 2010).
A lire: CONESA Pierre (2018), « Hollywood, arme de propagande massive », Paris : Robert Laffont, 224p.