Voici le témoignage d’un officier de l’armée française, déployé en opérations contre des mouvements jihadistes. Je lui avais posé la question de savoir pourquoi il étudiait la pensée de ses adversaires, lors de la réalisation d’un article pour le site Internet d’iTELE. Du fait d’un mauvais timing, sa réponse n’avait pas pu être intégrée. La voici donc ici:
« Connaître pour anticiper, même s’il est parfois un peu tard. Connaître son ennemi, son adversaire est incontournable pour lutter contre. Les djihadistes sont pour nous une nouvelle menace, un nouvel ennemi protéiforme qui sans cesse mute, s’adapte à son environnement dans sa globalité et pourtant applique un plan relativement clair: conquérir par tous les moyens, et surtout en nous plaçant devant nos propres limites: gestion des prisonniers, des civils, des enfants soldats, détournement de bâtiments à des fins militaires et autres (médicales, éducatives…)… ils ne sont pas Etats, il n’y a pas de déclaration de guerre, c’est une situation inédite pour nous autres occidentaux qui réagissons suivant le droit de la Guerre, et la charte des Nations Unies.
Il maitrise nos codes, nos us et coutumes et a su identifier plus rapidement que nous nos failles. Comment? Tout simplement parce qu’il est en parti issu de notre monde.
Ainsi, lorsque je me plonge dans leur doctrine, étudie leurs publications, je ne cherche pas à me convertir, à me radicaliser, mais à comprendre, les comprendre pour mieux les combattre.
J’ai besoin d’avoir accès à ces éléments qui parfois sont insoutenables, mais sans eux, impossible d’anticiper, de combler le retard. «Pas de victoire sans surprise», disait Bertrand Duguesclin, pair et connétable de France. Ici, c’est la même chose, ils ne doivent pas nous surprendre, il faut que nous les connaissions de l’intérieur, il faut désormais penser autrement pour peut-être, sans doute faire autrement.
Nos modes d’actions sont trop lisibles car notre doctrine est connue (elle est largement publiée et diffusée). Nos victoires naissent de la surprise, l’Histoire nous l’enseigne et MacArtur qualifie les défaites par deux mots : «Il n’est pas trop tard, il faut juste s’en donner les moyens et encourager certains d’entre nous à penser rouge, à vivre rouge, sans se damner!»