En voila, un titre qui sonne exotique. Chez les Soviétiques, depuis Lénine, la Maskirovka est un art de la dissimulation et de la désinformation. Grâce à l’utilisation de leurres, de fausses informations et de pantins, ils s’appliquent à biaiser la compréhension stratégique et tactique de l’ennemi. Le commandant Joukov en fit une belle démonstration lors de la bataille de Khalkhin Gol, qui oppose les Soviétiques et les Japonais le long de la frontière, entre mai et septembre 1939.
Partie d’un accrochage frontalier, cette bataille grimpe progressivement en puissance. Les deux forces commencent par multiplier les escarmouches, jusqu’à une offensive intensive des Japonais en juillet. Les Soviétiques parviennent à l’enrayer et à bloquer une ligne de front. Joukov, alors qu’il prépare sa contre-offensive, s’applique à faire croire le contraire à son adversaire en faisant semblent de renforcer ses positions défensives.
Comme d’autres chefs militaires russes lors de batailles majeures, le commandant Joukov dédie un commandement à la Maskirovka. L’art de la guerre psychologique est une discipline à part entière pour les Soviétiques. L’officier déploie plusieurs techniques:
- Déception sonore. Toute la nuit, pendant la phase de préparation de la contre-offensive, des hauts-parleurs diffusent des enregistrement de travaux de terrassement. Les Soviétiques veulent ainsi laisser croire aux Japonais qu’ils renforcent leurs défenses en aménageant des fortifications et des installations pour l’hiver approchant. Cette action de déception remplit également un rôle de camouflage sonore.
- Déception radio. Les transmetteurs soviétiques émettent en permanence une multitude de messages radio contradictoires. Sachant que les Japonais les écoutent, ils espèrent ainsi semer le trouble dans l’esprit de leurs ennemis. Les bruits de travaux y sont également diffusés.
- Camouflage sonore. Toute la nuit, des chars et des avions parcourent la zone soviétique d’un bout à l’autre. Le vacarme ainsi créé doit permettre de camoufler les mouvements réels de troupes, tout en participant à semer le trouble chez l’ennemi.
Les archives japonaises montreront par la suite que leurs services de renseignement avaient bien été manipulés par les actions de Maskirovka. Ils n’avaient à aucun moment anticipé la contre-offensive qui permet aux Soviétiques de prendre l’ascendant à partir du mois d’août. Les Japonais s’étaient en effet concentré sur la préparation de leur propre offensive, n’aménageant que des défenses minimes.
A lire sur Joukov et sur la bataille de Khalkhin Gol:
« Joukov, l’homme qui a vaincu Hitler », J. Lopez & Lasha Otkhmezuri, 2013, éditions Perrin.
Article à paraître sur les opérations d’influence russes, dans le magazine DSI du mois de janvier.