Le 15 avril 1998, un décret annonce que l’archange Raphaël est désormais le saint patron du renseignement militaire. La brigade de renseignement (BRENS) est alors encore toute jeune : elle n’existe que depuis 1993, jusque là sous le nom de brigade de renseignement et de guerre électronique (BRGE). Au sein de celle-ci sont ou ont été regroupées des unités aux histoires et aux traditions particulièrement différentes, du presque antique 13ème régiment de dragons parachutistes aux traditions multiséculaires, jusqu’au tout jeune 54ème régiment de transmissions né il y a moins d’un siècle.
Mais pourquoi officialiser ainsi la saint Raphaël comme fête du renseignement ? Il s’agit alors de donner du corps et une identité à une brigade dont les unités n’ont alors pas grand chose pour les rassembler. Alors que l’armée de terre travaille à coordonner les capteurs de renseignement (électronique, humain, image), il faut souder l’ensemble par des traditions et des moments de rencontre.
« J’ai créé la Saint Raphaël, la fête de la brigade organisée à tour de rôle dans tous les régiments, témoigne le général Meyer, qui a commandé la brigade pendant trois ans à l’époque, dans le livre « La brigade de renseignement« (Paul Villatoux, Prividef Editions, 2014). On profitait de cette rencontre pour que chacun sache ce que faisaient les autres, pour apprendre à se connaître et acquérir ainsi une complémentarité. »
Ce type de symboles permets de réunir l’ensemble des personnels de la brigade autour d’un patrimoine de traditions communes. Celui-ci est alors à construire à partir de rien et le général Meyer en initie les principaux fondements. En plus de ce saint patron, il lance l’exercice biannuel Antarès et fait défiler l’ensemble de la brigade dans les rues de Metz le 14 juillet 1998. Il s’agit alors d’ancrer celle-ci à la fois dans le patrimoine militaire de l’armée de terre et dans le territoire social et géographique qu’elle occupe.
Ce socle de dates, de symboles et de rencontres doit permettre aux opérateurs du renseignement de l’armée de terre de partager des références communes. Les cavaliers du 2ème régiment de hussards, les transmetteurs du 44ème régiment de transmissions, les artilleurs du 61ème régiment d’artillerie ou encore les sapeurs du 28ème groupe géographique se voient ainsi rappeler qu’ils ont une mission commune : renseigner.
Le sens du symbole
Il ne s’agit évidemment pas à ce moment-là d’entrer dans une logique croisée, de soldats au service de dieu. Chaque arme et même certains services disposent de patrons respectifs, dont certains sont célébrés avec beaucoup d’ardeur -et d’alcool- comme Michel, patron des parachutistes, ou Georges, celui des cavaliers. Avec l’appui de Raphaël, la jeune brigade s’ancre dans l’histoire de l’armée française et soude ses hommes dans une logique intemporelle de culture et de traditions.
L’archange Raphaël était déjà depuis 1989 le saint-patron de l’école du renseignement et des études linguistiques (EIREL). Il est dans la bible le guide envoyé par Dieu pour soigner la cécité de Tobit, dans le livre de ce dernier. Il doit l’aider à rencontrer Sarah afin qu’ils donnent naissance à Abraham. Un choix particulièrement fort pour le renseignement.
Si la question se posait certainement beaucoup moins à l’époque, il est également intéressant de se pencher sur la place de cet archange dans les autres récits religieux. Raphaël est ainsi le gardien de l’Eglise orthodoxe. Il est aussi, en islam, celui qui doit annoncer le Jugement Dernier en soufflant dans sa trompe.