Récemment, une vidéo de l’Etat islamique (EI) a mis en avant l’une de leurs nouvelles armes fétiches: le fusil sniper Mk14 EBR 7,62mm. Ce fusil est conçu pour équiper le spotter, qui va désigner la cible au tireur d’élite, qui aura lui une arme de plus longue portée et souvent de plus gros calibre. Il doit servir aussi bien à tirer sur la cible aux alentours de 800 mètres qu’à protéger l’équipe en cas de contact rapproché.
Autrement dit, cette arme est précieuse pour les combattants de l’EI qui affiché dans cette vidéo son utilisation à Raqqa. Elle n’en reste pas moins relativement âgée (c’est l’adaptation d’une arme datant des années 1950) : les Américains n’en utilisent presque plus.
Dans les médias américains, ces différentes vidéos ont de nouveau soulevé le débat sur les livraisons d’armes à des supplétifs locaux. En effet, il est probable que les djihadistes aient récupéré ces armes auprès des différentes unités formées par les services de renseignement et les forces spéciales américaines. Qu’il s’agisse de prises de guerre ou de changement de camp de la part des concernés, ces images sont synonymes d’un camouflet pour Washington. En 2015, on avait déjà suspecté que les MK14 EBR livrés à la Division 30 puissent avoir été récupérés par Jabhat al-Nosra, groupe djihadiste concurrent de l’EI.
L’arme en elle-même est un superbe outil de propagande. Clairement identifiable comme américaine, elle crée pour les critiques un lien entre l’EI et Washington. Aux Américains eux-mêmes, elle envoie de plus un message autrement plus clair: nous avons éliminé les gens que vous soutenez, qu’il s’agisse des militants syriens équipés, ou des forces spéciales irakiennes qui détiennent également des MK14 EBR, et nous avons récupéré les armes que vous leur avez fourni.
L’utilisation de snipers dans une vidéo de ce type, aux côtés de kamikazes et des engins explosifs improvisés (IED), joue également sur l’un des principaux leviers de terreur sur ce type de champs de bataille. Les tirs de précision sont l’une des menaces les plus complexes à endiguer et fait aussi peur aux combattants que la possibilité de marcher sur un IED. On repensera à la séquence du sniper Juba en Irak qui avait semé la terreur au sein des rangs américains. Ici, la séquence concernée est d’ailleurs l’une des plus longues de la vidéo, alors qu’une bonne partie du reste est composée d’images parfois sans aucun lien les unes avec les autres.
Le MK14 EBR américain peut-il devenir un symbole du djihad armé au même titre que l’AK-47 soviético-russe (sinon chinoise)? La principale différence entre ces deux armes est opérationnelle: si la seconde reste un excellent fusil d’assaut, la première est particulièrement contraignante. Outre sa taille et son poids, qui ont poussé les Américains à l’abandonner après la guerre du Vietnam, elle utilise des munitions qui ne courent pas les rues, même syriennes. Si le calibre (7,62) est le même que pour l’AK-47, c’est une munition plus longue et lourde qui est utilisée (7,62x51mm)… Qu’il faut donc réussir à trouver.
Reste à savoir ce que le public retiendra: que les djihadistes en Syrie utilisent une arme américaine ou que celle-ci est loin d’être de la meilleure des qualités?