Les différentes doctrines de stratégies militaires d’influence évoquent un aspect parfois difficile à appréhender: l’influence de tout élément létal. On comprend bien qu’un tir d’artillerie, l’agressivité d’une section d’infanterie ou le roulement d’un char Leclerc envoient autant de messages très clairs à une cible, amie comme ennemie. Mais concrètement, comment cela est-il appréhendé? Comment exploite-t-on ce type d’effets? Le colonel Pierre Verborg en donne un exemple dans son récent ouvrage « Envoyez les hélicos! » où il raconte son expérience en Libye notamment.
L’utilisation des hélicoptères en Libye, en 2011, a été particulièrement agressive. Le colonel Verborg décrit comment l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT) a mené des raids audacieux contre les lignes des fidèles de Tripoli, faisant évoluer les habitudes d’emploi de cette arme traditionnellement utilisée en appui. Ces opérations, nocturnes, rapides, dotées d’une grosse puissance de feu, ont eu un impact psychologique sur les défenses qui semble considérable. L’auteur explique en effet que la présence d’hélicoptères était devenue, pour leurs adversaires, le signal d’une mort imminente sans possibilité de riposte.
Si l’on pose la question de cet emploi de l’hélicoptère comme arme d’influence, il faut se demander quel message est envoyé à quelle cible avec quels résultats observables. Le message est simple: nous allons vous détruire et vous ne pouvez absolument rien y faire, vous êtes militairement dépassés. La cible est également évidente: les soldats ennemis. Encore que l’on puisse la diviser en deux sous-groupes, les chefs, que l’on cherche à faire douter, et les subalternes, que l’on cherche à faire déserter.
Quant à l’évaluation des résultats, le colonel Verborg en donne quelques éléments dans son livre. L’écoute des transmissions radios adverses permettait par exemple d’entendre des officiers hurler des ordres incohérents et paniqués lors de l’arrivée des hélicoptères. Le signe qu’ils perdaient leurs nerfs et ne parvenaient pas à faire face à l’impact psychologique de l’arme aéromobile. De même pour la multiplication de désertions ou de refus de combattre dès lors que les aéronefs étaient sur zone.
La prise en compte de cet aspect psychologique dans l’usage d’un feu intense a toujours existé. L’artillerie, le bombardement aérien ou encore l’utilisation d’explosifs (attentats, mines…) sont des moyens efficaces de réduire le moral adverse. Les hélicoptères sont un bon moyen de jouer avec les nerfs de l’adversaire: le bruit des voilures tournantes peut-être le déclencheur de mouvements immédiats sur le champs de bataille. Un autre auteur militaire, le sergent britannique Paul Grahame, témoignait de ces effets dans un livre sur son expérience de contrôleur avancé de tir aérien en Afghanistan, il y expliquait comment l’arrivée d’un hélicoptère en appui faisait disparaitre du terrain les insurgés, tout le temps de sa présence sur place.
Les effets induits par la simple présence d’hélicoptères peuvent inciter à des manoeuvres de déception. Si des hélicoptères ne peuvent pas toujours être disponibles en nombre suffisant et s’ils restent des moyens coûteux, l’utilisation de haut-parleurs pour en simuler la présence peut démultiplier l’impact psychologique de ces engins à un niveau tactique.
Bref, « Envoyez les hélicos! », un livre à lire pour mieux comprendre la diversité des enjeux liés à l’aéromobilité (social, industriel, tactique, doctrinal, interarmées, psychologique…) à travers des exemples répartis entre la Libye, le Mali, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire et aussi un peu le Kosovo.