Les questions de conflictualité informationnelle ont été largement évoquées au cours des vœux du président de la République. Dans cet exercice traditionnel, nous relevons deux indicateurs qui nous paraissent particulièrement intéressants.
Le premier, c’est l’évocation de la lutte contre la propagande djihadiste, au cours des voeux au corps diplomatique ce jeudi. Emmanuel Macron a fait de la lutte contre l’Etat islamique (EI) et contre le terrorisme islamiste le sujet d’accroche de son discours. Saluant les progrès en Irak et en Syrie, il a affirmé la volonté de la France de poursuivre le combat, notamment en Afrique du Nord.
Après avoir listé les efforts politiques et militaires, il a évoqué quelques axes qui peuvent faire l’objet d’une attention particulière. La lutte contre la propagande arrive ainsi juste avant la lutte contre le financement. Pour le président, celle-ci permet de conquérir les cœurs et les esprits des Français les plus exposés. Sans donner plus de détails sur la réponse à apporter, il a estimé que la France devait pousser les différentes plateformes numériques privées à optimiser et à systématiser leur censure de tels contenus.
Il n’est pas neutre que ce sujet soit ainsi mis en avant. Il illustre à la fois l’importance de la lutte informationnelle, avec un contrôle des médias pour prendre l’ascendant sur les narratifs de l’ennemi. Un véritable défi dont on sait de longue date qu’il est difficile de trouver le juste équilibre entre liberté d’information et censure démocratique. Un challenge sur le fonds, puisqu’il n’est pas toujours facile de savoir ce qui relève de la propagande, ce qui relève de l’information et ce qui relève de la communication ; mais aussi technique puisqu’il faut pouvoir développer les outils adaptés pour exercer un contrôle efficace et pertinent.
Cette question du contrôle des contenus nous amène à notre second point d’intérêt. Cette fois, c’est au cours des vœux à la presse d’hier que le président français a évoqué un sujet lié à l’influence. Se positionnant sur le rôle des médias, il a dénoncé la multiplication des fameuses « fake news », estimant qu’il serait judicieux de mettre en oeuvre une loi pour lutter contre ce phénomène.
De quoi relancer aussi sec les débats stériles sur le sujet: RT France qui s’inquiète d’une censure possible, les médias alimentés par des citoyens revendiquant leur liberté de ton craignant d’être menacés, des journalistes notant enfin qu’il existe déjà des lois pour lutter contre les fausses informations. Bref, le sujet a fait couler beaucoup d’encre en 24H.
Il est pourtant loin d’être évident. Si des lois existent effectivement, notamment pour lutter contre la diffamation, elles ne répondent pas à l’évolution contemporaine de ce phénomène. Parmi les grandes questions qui accompagnent le sujet, on pourra ainsi se demander s’il est toujours possible d’identifier l’origine de l’information falsifiée ou si l’intention est toujours évidente. Il ne suffit en effet pas d’accuser tel ou tel média pour démontrer sa volonté de nuire: restent à réunir les preuves du méfait.
Emmanuel Macron échoue d’ailleurs en la matière à cadrer le débat. En faisant référence, sans vraiment préciser de quoi il s’agit, tantôt aux « fake news », tantôt à la « propagande », on ne sait finalement pas de quoi il parle. Dénonce-t-il les blogueurs et Youtubeurs à moitié demeurés qui relaient des théories du complot foireuses? Avertit-il les médias d’Etat étrangers qu’ils ne doivent pas être des sources de déstabilisation? Se prépare-t-il à dézinguer les outils de communication d’adversaires politiques, comme veulent le croire des opposants en manque d’arguments?
Dans la lutte pour l’hégémonie informationnelle que se livrent, notamment, les médias occidentaux et russes, l’accusation de « fake news » est devenue un poncif aussi ridicule que vide de sens. Les uns et les autres ne cessent de s’accuser de la dite chose, sans jamais chercher à faire le tri entre erreurs professionnelles de bonne foi, orientation idéologique… Et volonté de désinformation. Ce travail de cadrage conceptuel est pourtant nécessaire si l’on souhaite un jour pouvoir lutter contre ce phénomène.
[MAJ au 10/01/18: un débat sur le sujet à l’antenne de Sputnik]