C’est l’été et la plupart des camarades de pubs sont en vacances. Eux ont de vrais métiers. Pour les autres, comme moi, c’est la période des blockbusters dans les cinés climatisés. Et de World War Z à Pacific Rim, j’ai été intrigué de constater que l’ennemi, aujourd’hui, c’est la nature.
Phénomène connu, le cinéma est le reflet des perceptions populaires. En la matière, Hollywood est un formidable outil d’expression de notre temps dans sa vision américaine. Il est aussi, et cela depuis l’aube de son existence, un vecteur d’influence et de construction de l’opinion. La grande époque de la propagande cinématographique de la première moitié du XXème siècle l’a largement prouvé. Tout au long de la Guerre Froide, les grands studios américains ont été le lieu d’une profonde lutte culturelle et stratégique contre les soviétiques. Plus récemment, les grands films d’action et de guerre ont régulièrement rappelé la menace que représente le terrorisme et les angoisses qu’il nous inspire.
Ces différentes grandes tendances dans le cinéma américain de sécurité nationale (lire à ce sujet Hollywood, le Pentagone et le monde de Jean-Michel Valantin) se sont succédées à mesure que les grandes priorités stratégiques évoluaient. Et nous sommes peut-être en train de vivre l’un de ces changements. Dans un nombre croissant de films, l’objet de la menace n’est plus une puissance étatique ou terroriste mais la nature elle même. Il suffit de regarder deux des grands blockbusters de l’été, qui n’ont pourtant à première vue pas grand chose de bien novateur :
- World War Z ou l’autodéfense de la nature
Une épidémie de zombis qui cause une apocalypse à l’échelle globale, ce n’est pas bien original. Pourtant, ils ne sont ici le fruit d’aucune manipulation scientifique ni d’un rituel de sorcellerie. Les zombis auxquels fait face ce bon vieux Brad Pitt sont nés d’une maladie générée par le globe lui-même. L’un des personnages, un scientifique, explique ainsi que la nature se défend contre l’agressivité de la population humaine qui la ravage. «Mère nature est une pute sans pitié», explique-t-il au début du film. Classe.
- Pacific Rim ou quand la destruction de la nature nous expose à des invasions
Dans Pacific Rim, de gros monstres reptiliens envahissent la terre. Là non plus, pas grand chose de neuf depuis Godzilla. Si ce n’est que cette fois, les monstres ne sont pas le fruit d’expériences ratées ni d’une catastrophe nucléaire. Les vilaines bêtes sont intelligentes et envahissent la terre parce que notre impact sur la couche d’ozone a rendu le globe plus propice à la vie de ces créatures. Comprenez : la pollution fait de la terre une planète plus viable pour les monstres géants que pour les humains…
La nature fait peur
Dans le cinéma, l’homme a perdu toute maîtrise de son environnement. La menace d’un volcan, d’une comète géante ou d’une destruction planétaire ont longtemps été, dans leur manière d’être présentés, plus proches d’une menace sécuritaire classique. Le peuple américain craignait, dans le fond de son être, que survienne un événement terrible et fatal représentatif, selon l’époque, d’une offensive nucléaire majeure ou d’un attentat de grande envergure. La météorite ou le tsunami en étaient la métaphore. Aujourd’hui, ces thématiques sont liées à une responsabilité humaine de son sort : la nature nous attaque parce que nous l’avons attaquée. Légitime défense, donc.
Tout comme dans les années 1960, le cinéma a nourrit la croyance d’une peste communiste rampante, celui de notre décennie semble tendre à nous convaincre que la nature est notre principal ennemi. Aucune étude solide ne semble avoir enquêté sur les origines de cette phobie nouvelle. On peut s’interroger, entre autres, sur les effets d’un lobbying green souvent agressif et coercitif. ONG et activistes tendent parfois à dénoncer les effets de l’activité humaine sur la nature en stigmatisant l’action de l’Homme. Ceux-là même qui espèrent défendre la planète bleue se retrouvent souvent, paradoxalement, à instaurer un rapport d’opposition, parfois radicale, entre l’humanité et la nature.