La communication du ministère de la Défense poursuit son exercice de prospective et d’introspection avec la publication d’un numéro deux de sa lettre numérique OnCom sur les réseaux sociaux. A la Une de cet opus, confrontation de ces derniers et de la problématique de la sécurité des opérations (SecOps). Comment balancer l’intérêt qu’apporte la visibilité de la communication 2.0 avec le risque qu’elle implique pour les personnels militaires?
Rappelons que cette problématique se retrouve très régulièrement au coeur des réflexions sur la communication digitale depuis de nombreuses années. Nous en avions par exemple débattu ici en prenant des exemples américains, israéliens et français. A l’époque, des soldats de Tsahal avaient été pris pour cible à plusieurs reprises par des « espions » numériques, utilisant de faux comptes de jolies jeunes filles pour accrocher des militaires. L’armée israélienne, estimant qu’il était impossible de déconnecter toute cette génération qui avait grandit avec les réseaux, avait poursuivi ses efforts pour une maîtrise de ces outils, en pariant largement sur la pédagogie. Une approche très visible lors de l’opération Pilier de Défense.
Chez nous, le sujet a récemment fait l’objet d’une petite polémique dans les cercles de la communauté de Défense suite à la proposition d’un concours photo de promotion au profit des réserves. L’invitation des réservistes à se prendre en photo pour montrer ce que représentait cet engagement avait alors fait grincer des dents: dans les compagnies de réserve, on s’applique en effet depuis des années à faire comprendre aux jeunes qu’il vaut mieux être discrets et ne pas trop s’afficher en uniforme, pour éviter les risques d’agressions. Des risques décuplés alors que la menace est formalisée par les soutiens de l’Etat islamique (EI).
Plus de bien que de mal?
Dans sa réflexion, la lettre OnCom pèse le pour et le contre. On rappelle au ministère de la Défense que des ennemis revendiqués de la France ont déjà menacé de diffuser des informations personnelles sur des militaires français, en vue d’inciter à les prendre pour cible. Une menace d’autant plus crédible qu’une attaque de ce type a déjà été menée par un djihadiste français en juin dernier, tuant un couple de policiers à Magnanville (78). Notons qu’il n’avait pas eu besoin pour cela de les identifier sur les réseaux sociaux: qui cherche des représentants de la France, n’a généralement pas besoin de chercher bien loin.
Pourtant, les réseaux sociaux sont aussi devenu un outil indispensable de la communication d’influence moderne. Ils présentent notamment l’intérêt majeur de toucher directement la cible, le public, sans passer par l’intermédiaire des médias. Cette visibilité est d’autant plus décuplée qu’elle se multiplie de manière exponentielle au fur et à mesure que des sympathisants partagent les messages. La viralité de l’opération #22pushupchallenge en soutien aux traumatisés psychologiques ces dernières semaines le montre très bien.
La bonne recette d’OnCom
Pour profiter des avantages des réseaux sociaux, tout en maîtrisant au mieux le risque, OnCom propose quatre axes d’efforts:
- Pédagogie
- Tempérance face aux modes et tendances
- Anticipation des risques
- Maîtrise des éléments de langage
Rien à redire pour les trois premiers points. Le quatrième soulève par contre un questionnement. Si les communicants et les chefs formés à la communication sont de plus en plus à l’aise dans la maîtrise de leurs choix de vocabulaire, c’est moins le cas pour ceux dont ce n’est pas le métier. Or il est souvent contre-productif d’essayer de faire adopter les fameux éléments de langage à des soldats qui, très régulièrement, disent mieux avec leurs propres mots ce qu’on essaie de leur faire exprimer.
La maîtrise des éléments de langage est d’autant plus difficile que les journalistes cherchant la petite bête sont tout à fait capables de les identifier et de les contourner. Le reporter qui chasse la phrase qui pique la trouvera, avec ou sans éléments de langage. Le soldat mal à l’aise avec ce type d’expression, lui, n’aura pourtant pas pu formaliser ses propres idées, qui auraient pu être relayées par des journalistes plus objectifs. A pratiquer, donc, avec modération.
La lettre OnCom est à consulter en cliquant ici, avec au menu en plus de cet article sur la SecOps des réflexions sur les infographies, Periscope ou encore Twitter.