Vacances obligent, je me suis permis la semaine dernière la lecture du magazine masculin GQ. Entre un article offrant des conseils pour réagir face aux « allumeuses » et une apologie des nineties, un long classement des 30 « Français les plus connectés » (réseaux/influence). Des trentenaires et des quarantenaires ayant pour la plupart réussi dans les affaires et/ou dans le numérique, avec une poignée de politiques et de journalistes. On y trouve ainsi Daniel Marhely, cofondateur du site musical Deezer; Carlo d’Asaro Biondo, patron de Google Europe ou encore Fleur Pellerin, « secrétaire d’Etat High-Tech« . Et puis en quatorzième position, quelque part entre Axelle Lemaire et Yann Barthès… Sacha Mandel.
Le conseiller communication de Jean-Yves Le Drian se retrouve donc dans la moitié haute de cet étonnant classement. Présenté comme « le stratège invisible » du ministre de la Défense, le trentenaire est décrit comme un acteur influent dans les plans politique et médiatique. Son travail est ainsi décrit: « Conseiller presse et com de Jean-Yves Le Drian, il assiste aux réunions stratégiques avec l’état-major des armées, les patrons du renseignement et de la diplomatie« . Il est également présenté comme « très influent même si son job exige une grande discrétion« .
Sacha Mandel est en effet très discret dans les médias, qu’il côtoie pourtant en permanence. Ce produit des rangs de l’agence de communication Euro-RSCG a accompagné Jean-Yves Le Drian dès la campagne présidentielle, jusqu’au ministère. A grands coups d’analyses de l’opinion publique, il s’applique à construire la bonne manière de s’exprimer pour son ministre et les arguments pour convaincre. Une communication politique choc, qui a suscité de nombreux serrements de dents dans les rangs des militaires, mais qui a certainement participé à faire apprécier Jean-Yves Le Drian comme le ministre communicant le mieux lors de sa première année de travail dans une étude l’an passé.
On apprend également dans cette petite fiche que le M. Com de l’Hotel de Brienne est en contact direct avec ses homologues à l’Elysée et au Quai d’Orsay. Mais il compterait dans son carnet d’adresse des journalistes de premier plan. Sont cités ici Jean-Pierre Elkabbach et David Pujadas.
Influence et Défense
Chez Euro-RSCG, où il est resté six ans, Sacha Mandel était directeur conseil au sein du pôle influence. Une phrase de ce spécialiste, tirée du même magazine GQ, appelle à la réflexion: « l’influence de la défense est inversement proportionnelle à sa visibilité médiatique« . Une citation qui prend tout son sens dans le contexte de réformes colossales de ces dernières années, qui voit perdre près de 80000 emplois au sein de ce ministère, sans que cela semble encore suffisant.
Les militaires sont en effet des spécialistes de la communication opérationnelle et de la communication institutionnelle. Des outils qui leur permettent de bénéficier d’une présence médiatique conséquente et d’informer le public sur leurs actions. Mais des outils qui ne permettent guère d’influence en dehors des sphères liées aux opérations et au recrutement. Assez logiquement, la communication politique relève elle du cabinet de ministre. De fait, elle se retrouve concentrée entre les mains de trois hommes: le ministre lui-même, son directeur de cabinet, Cédric Lewandowski, ainsi que Sacha Mandel.
Outre la communication, il existe pourtant d’autres vecteurs d’influence. Les réseaux politiques, les députés et sénateurs membres des commissions spécialisées, les think tank (la Défense profite avec l’IHEDN d’un outil d’influence considérable), les réseaux de la réserve citoyenne… Là aussi, des moyens considérables, dont on peut questionner l’efficacité: malgré tout cela, la Défense reste l’un des principaux pourvoyeurs d’effort en ces périodes de vache maigre.
Pourquoi? Peut-être parce que je le message reste difficile à traduire en une préoccupation citoyenne. Beaucoup de Français ont entendu parlé de ces réformes et sont conscients du nombre de postes supprimés. Ils n’en comprennent cependant pas les enjeux économiques ou sociaux. C’est tout l’enjeu de l’influence: faire passer un message pour amener un public cible à faire évoluer sa position de manière positive. Comment, avec tant de moyens de communication et d’influence, la Défense française ne parvient-elle pas à obtenir des effets? Peut-être parce que les Français ne sont pas considérés comme un public prioritaire pour ces efforts.