C’est un grand classique des opérations d’influence: distribuer tracts et journaux aux populations locales. Cette fois-ci, c’est l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), l’un des deux principaux mouvements jihadistes opérant en Syrie (on compte six mouvements d’envergure, dont deux dominants la scène opérationnelle), qui se prête à l’exercice. Mi-novembre, ce groupe a diffusé le premier numéro de son journal, qui se veut hebdomadaire, le Sana al-Cham.
Un document de huit pages de facture assez modeste, qui semble avoir été imprimé sur le tas et avec les moyens du bord. On y découvre quelques informations sur les actions d’EIIL en Syrie ainsi que sur le déroulé des opérations. Les jihadistes appellent ainsi par exemple les volontaires à les rejoindre pour pouvoir ralentir la progression des forces gouvernementales dans la région d’Alep. Le journal est aussi illustré de photos et d’infographies vantant les succès de l’organisation.
On y découvre aussi et surtout une interview d’Omar al-Chichani, un Tchétchène devenu chef militaire d’EIIL. Il explique comment les jihadistes ont imposé la religion comme ancrage de la révolte, qui était au départ dominée par des revendications démocrates et libertaires. Vous pouvez en lire un court extrait traduit sur le blog Un oeil sur la Syrie.
Cet exercice d’influence survient alors que les groupes jihadistes font l’objet d’un important débat, souvent teinté d’urgences quotidiennes. Ainsi, la majorité des Syriens semble largement opposée à la domination de ces groupes et à leurs revendications islamistes. Pourtant, la rébellion ne peut plus compter sans leurs capacités considérables et leur détermination qui en fait des combattants exceptionnels. EIIL se retrouve de plus en concurrence avec un autre mouvement, plus intégré dans le tissu syrien puisque moins dépendant de jihadistes étrangers, Jabat al-Nosra. Ce dernier a d’ailleurs bénéficié d’une récente reconnaissance de la part d’Ayman al-Zawahiri, héritier de Ben Laden, qui a consacré le mouvement comme « Al Qaida en Syrie ».
Contrairement à la célèbre revue d’Al Qaida dans la Péninsule arabique (AQPA) baptisée Inspire, qui vise à recruter des jihadistes dans les pays occidentaux, Sana al-Cham vise un public local, arabophone. La revue est donc intégralement écrite en arabe et son argumentaire destiné à convaincre les populations et les potentielles recrues au sein de la jeunesse syrienne et de l’insurrection laïque en débandade.
EIIL dispose également d’un compte Twitter et d’une chaîne Youtube pour diffuser ses communiqués. Le groupe reste extrêmement difficile d’accès pour les journalistes occidentaux, perçus comme véhiculant des idéologies et des messages non compatibles avec la cause jihadiste.