Invité au débat de France 24 ce lundi pour discuter des jihadistes français partis combattre en Syrie, je retiens trois idées qui me paraissent intéressantes au sujet des questions qui nous préoccupent ici.
Grand récit officiel et frein au jihad
Le conflit syrien a été présenté en France de manière simple. Lors de la première révolte contre Bachar al-Assad, en 2011, les manifestants sont présentés comme un nouveau printemps arabe maté dans le sang par les forces du régime. Le président et ses proches deviennent le mal absolu. Les journalistes qui se rendent sur place constatent largement l’effort de résistance d’un peuple oppressé par des militaires sans pitié. La situation géopolitique nationale, les dissensions communautaires et l’arrivée croissante de jihadistes sera mal appréhendée. Les politiques et les diplomates français amplifieront ce grand récit en évitant d’entrer dans le détail. Un discours qui a contribué à faire de la Syrie le jihad par excellence, presque incontestable.
Pour un jeune Français ou résident Français qui se pose la question du jihad, il y a ici un nouveau frein qui saute. A la grande cause qu’est le combat en faveur de la oumma musulmane, il affronte un ennemi qui n’est pas contesté par le pays dans lequel il a grandit et dans lequel il vit. A l’inverse de l’Irak ou de l’Afghanistan, où les groupes terroristes sont très clairement présentés comme hostiles au peuple, il n’y a ici dans un premier temps – long – aucune polémique: le coupable, c’est Bachar al-Assad. Les mouvements terroristes, eux, sont dans le camp des « gentils« .
Déclin de la couverture médiatique
Les journalistes ont rapporté dans la première moitié du conflit un grand nombre d’images et de témoignages de Syrie qui allaient dans le sens de ce récit. Aujourd’hui, alors que l’influence des groupes jihadistes est devenue conséquente, ils ne parviennent plus à accéder au terrain. Ceux qui s’y risquent ont de grandes chances d’être capturés ou tués. Dans ce contexte, il est devenu extrêmement difficile de mettre à jour la perception commune de la situation en Syrie.
Le chiffre qui fait super peur
700. Manuel Valls a semé la terreur dans les coeurs en annonçant un tel chiffre, qui ferait de la France le premier pourvoyeur occidental de volontaires au martyr en Syrie. Pourtant, ce chiffre… ne veut pas dire grand chose. Le ministre de l’Intérieur donne ainsi de quoi impacter dans les médias et percuter l’opinion. En réalité, dans le détail qu’il donne, ils seraient 550 à s’être rendu en Syrie, à en être revenus ou à être en chemin. Un nombre dont on ne connaît pas la part de Français et la part de non-Français résidant habituellement sur le territoire.
Une logique comparable à celle du nombre de victimes, lui aussi largement usité dans les efforts de conviction de la diplomatie française. 130000 victimes, répète régulièrement Laurent Fabius. Un chiffre qui intègre un grand nombre de combattants des deux camps.Des annonces qui simplifient la situation afin de convaincre plus facilement le public.
Revoir le débat sur France 24: Guerre en Syrie: djihad sans frontières (Partie 1 et Partie 2)