Dans un court essai sur l’Afghanistan, Dépêches Kaboul, Georges Neyrac évoque son expérience comme officier presse sur ce théâtre. Nous sommes au tout début de l’intervention internationale, à peine quelques mois après le 11 septembre 2001. En tant que Français, il est alors tout simplement intégré au dispositif presse de l’ISAF où des officiers de différentes nationalités se relaient successivement comme porte-paroles.
Pour situer le contexte au moment de ce témoignage, il faut comprendre que seules quelques dizaines de reporters couvrent encore le conflit. Basés à Kaboul, ils travaillent principalement pour les grandes agences de presse et les grands médias anglo-saxons. Côté français, on trouve principalement un journaliste de l’AFP et une correspondante de RFI. La guerre, en Afghanistan, s’éternise sans que personne ne sache vraiment ce qu’elle devient. La nouvelle explosion de violence au Proche-Orient mobilise de nouveau l’attention.
Dans un chapitre, Georges Neyrac raconte l’explosion de chicom une nuit. Pas de dommage mais la mobilisation de moyens militaires pour retrouver les agresseurs: Kaboul est sensée être stabilisée. Les médias s’agitent. L’officier français témoigne du coût de fil d’une française:
« Les prévisions tardent à parvenir. Valérie, la correspondante de RFI à Kaboul me téléphone: « Que se passe-t-il? Est-ce que vous avez des informations? J’ai entendu un bruit sourd à côté de l’hotel, à cent mètres. Il y a des voitures de police partout. Quelle déclaration pouvez-vous faire? Est-ce que je peux vous enregistrer? Est-ce que cette nouvelle attaque remet en cause le processus de paix?«
Exercice normal de la couverture d’une actualité. Mais l’on se doute qu’alors, l’interlocuteur ne sait pas grand chose. Il doit pourtant répondre:
« Pour l’instant, je n’ai rien à dire. Je m’accroche à quelques messages simples: notre mission, nos moyens, la recherche du renseignement et j’essaie de gagner du temps. […] Impossible pour moi de céder à l’urgence.«
L’officier doit répondre sans avoir d’informations. La journaliste de même puisque sa rédaction attend sa correspondance. Alors chacun « gagne du temps ». Elle a trouvé un peu mieux à se mettre sous la dent ailleurs. Georges Neyrac en tire une leçon sur la relation entre communication opérationnelle et médias:
« Nous ne sommes pas dans le même temps que celui des médias: là où les journalistes ont besoin de rapidité, nous cherchons, nous fouillons, nous patrouillons. Là où il faudrait donner une explication rationnelle, des noms, des coupables, des circonstances, nous ne pouvons que diffuser des hypothèses. De cette distorsion nait parfois une incompréhension mutuelle.«
A méditer!