En France, on a toujours l’impression que les Américains sont très en avance sur nous pour ce qui est de l’intégration de réservistes dans leurs forces armées. La faute, certainement, à l’Irak et à l’Afghanistan qui ont vu déployer d’importants contingents de réservistes en opération. J’ai moi même eu l’occasion de suivre, au Kosovo, des troupes entièrement alimentées par la Garde nationale. Difficilement imaginable dans l’hexagone où la présence de réservistes sur le terrain reste marginale.
Pourtant, cette fois, la guerre est ouverte entre réservistes et militaires d’active pour savoir qui pourra participer aux missions cyber de l’armée américaine. Alors que le Pentagone finalise les détails de l’organisation de son « Cybercom », son patron, l’amiral Michael Rogers (qui dirige également la NSA) constate que les chefs militaires sont en pleine lutte interne pour capter les budgets déployés sur cette mission, qualifiée de « sexy« . A la clef, alors que les budgets sont en crise, ce sont 6200 postes, répartis entre 133 unités opérationnelles, qui sont à pourvoir dans un domaine que tout le monde perçoit comme l’un des plus stratégiques dans les années et décennies à venir.
Les partisans d’une réserve pro-active insistent sur le fait que les viviers de compétences et d’idées, dans le domaine du cyber, restent plus importants dans le civil que dans les armées. De nombreux experts faisant carrière dans les entreprises du secteur pourraient en effet avoir beaucoup à apporter en matière de capacités informatiques, numériques et informationnelles. L’amiral Michael Rogers regrette de déjà se retrouver confronté à des luttes de chapelles… avant même que le rôle et les missions de son commandement ne soient encore clairement établis.
Selon l’amiral, la répartition des équipes serait la suivante:
- US Army: 41/133 operational teams (30,5%), dont un petit nombre d’équipes intégralement armées par des réservistes.
- US Air Force: 39/133 operational teams (29,5%), dont des unités mixtes active/garde nationale/réserve.
- US Navy: 40/133 operational teams (30,5%), intégrant ponctuellement des réservistes en fonction des besoins.
- US Marine corps: 13/133 operational teams (9,5%), ne prévoyant aucuns réservistes dans leurs effectifs.
Le Cybercom, dont le commandement est basé à Fort Meade, haut lieu du renseignement militaire américain, a été inauguré en 2009. L’amiral Michael Rogers, préoccupé notamment par le refus des marines d’intégrer des réservistes, a obtenu une promesse du patron de ce corps: on en reparle en 2016. A suivre donc.
Il parait pourtant difficile de se passer des savoir-faire des civils dans ce domaine où les grandes armées continuent de chercher comment se positionner. Les Israéliens ont largement intégré leurs réservistes, comme dans le reste de leurs forces, pour ce type de missions. Les Chinois entretiennent des liens très flous entre leurs forces militaires et des hackers civils, encouragés à mener des actions au profit de l’Etat, sans que leur statut ne soit très clair. En France aussi, la définition de ces nouveaux moyens prévoit de faire participer aux maximum les civils ayant des compétences à faire valoir (lire à ce sujet le rapport d’information du Sénat sur la cyber défense).
La répartition des rôles et des missions, dans le domaine du cyber, continue de faire l’objet de nombreuses réflexions. Outils primordiaux dans le domaine du renseignement, de l’influence et de la contre-influence, ils restent marqués par des efforts qui restent très souvent opaques. Les Israéliens ont ainsi été confrontés à une levée de boucliers de la part de réservistes refusant de participer à certaines missions.