Au cours d’un retour d’expérience proposé par le Centre d’études stratégiques de l’armée de terre (Cesat), le colonel Wallaert a évoqué sa mission en Centrafrique. Chargé du commandement du GTIA Dragon, arrivé en renfort du Tchad en février 2014, il décrit les différentes composantes de ce mandat. La création d’un dialogue avec les populations et avec les différents acteurs sur le terrain est présenté comme un élément clef. Les KLE, pour Key Leaders Engagement, permettent d’interagir avec les individus susceptibles de créer au sein des communautés des effets dynamiques positifs en faveur de la mission de la force.
Ces KLE, le colonel Wallaert explique qu’ils sont un savoir-faire que l’on développe de plus en plus. A chaque niveau de responsabilité, les officiers sont amenés à contacter des responsables locaux. Ils sont chargés d’organiser eux-mêmes les réunions avec les personnalités pertinentes. Les actions et les messages sont coordonnés, afin de viser un objectif précis dans le domaine social. Pour cela, les militaires concernés sont rapidement formés avant d’être déployés en opération. Des spécialistes des opérations d’influence organisent des simulations afin de donner quelques bons conseils pour l’avenir. Pour le reste, bon sens et intelligence de situation sont indispensables.
En Centrafrique, l’officier français estime qu’environ 95% des KLE ont globalement été faciles: les populations étaient heureuses de voir arriver une force militaire solide et les responsables locaux y voyaient une opportunité de revenir à une situation normalisée. Parmi les KLE récurrents: maires, chefs religieux, commerçants connus, fonctionnaires internationaux, policiers ou gendarmes centrafricains… Un acteur particulièrement intéressant aura été les associations de jeunes. Les militaires français ont rapidement noté leur influence sur les populations et ont répété un message simple: « L’avenir c’est vous et si vous voulez vous en sortir, vivre en paix, il faut arriver à vivre ensemble. »
L’une des principales tâches du GTIA a été de convaincre chacun de rentrer chez soi. La situation chaotique dans le pays a jeté sur les routes une multitude de pilleurs et de brigands, parfois très agressifs. Dans les villages les plus reculés, ce sont souvent ceux-là qui causaient des tensions. Les Français demandaient l’aide des habitants pour identifier les étrangers et leur proposaient tout simplement de les ramener chez eux. Grâce à un effort de persuasion, ces derniers acceptaient souvent de se faire évacuer sans vraie opposition.
L’armée française a également organisé, dès son élection, une visite de la présidente Catherine Samba-Panza dans la région de Bouar. S’appliquant à rester visuellement relativement en retrait, il s’est alors agit de recréer un lien humain entre la nouvelle autorité du pays et des territoires éloignés de la capitale. Une visite qui n’a rien d’évident en temps normal tant les déplacements sont difficiles en Centrafrique (mauvaises infrastructures routières + insécurité), mais représente un symbole important.
Pour les individus incontrolables, persistant à mener des opérations hostiles, deux solutions se présentent. Soit ils combattent et dans ce cas, la force militaire réplique et les détruit potentiellement. Soit ils ne se montrent pas agressifs et il faut les interpeller. Sauf qu’au début de l’opération Sangaris, faute d’un système judiciaire opérationnel, de forces de sécurité organisées et de prisons… l’armée française ne peut pas en faire grand chose. Alors on saisit l’armement… et on va déposer l’enquiquineur 100km plus loin en espérant qu’il ne puisse plus nuire.