Depuis une semaine, la polémique enfle dans la presse camerounaise. Suite à une cérémonie en hommage à 36 soldats camerounais tués dans des combats contre Boko Haram, une image est publiée sur le site de la présidence. On y voit le chef de l’Etat, incliné devant les cercueils. Un montage, en réalité, puisque Paul Biya était absent. Un montage d’assez mauvaise qualité qui a attisé la colère de plusieurs journaux.
Certains journaux ont rapidement évoqué l’idée d’une « manipulation », avec des titres comme « Le scandale qui vient de la présidence » ou encore « L’hommage virtuel de Paul Biya » aux militaires. La polémique enfle rapidement au sein de la population camerounaise et sur Internet où l’on s’étonne d’une telle attitude. D’autant plus que le président était alors officiellement en déplacement en Europe.
Joint par France 24, le ministre de la Communication a assuré qu’il s’agissait d’un malentendu: « C’est un montage grotesque alors que le président Paul Biya est en Europe. La photo a été modifiée par effraction d’une personne qui a réussi à rentrer sur le site. Il est impossible que cela vienne de la part de quelqu’un en interne, tout le monde savait très bien que le président était à l’étranger. »
Une autre version, préférée par certains journalistes locaux, évoque la possibilité que plutôt qu’un piratage, il se soit agit d’une initiative du webmaster de la présidence. Celui-ci aurait cherché à illustrer la salutation aux morts du président et à la représenter par ce photo-montage. Piètre résultat qui n’aura visiblement pas été bien compris par le public. D’autant plus maladroit que l’absence du chef de l’Etat lors de la cérémonie pouvait évidement soulever la critique.
Quelques leçons à tirer de cet incident:
– Si tentative de manipulation il y a, c’est là un bon rappel du risque de telles méthodes. Si elles sont découvertes, cela entraine des effets négatifs immédiats et massifs, ainsi qu’une perte de crédibilité nuisible à tout effort de communication.
– Si maladresse de la part du webmaster il y a, on voit là l’effet d’une communication de mauvaise qualité. S’il est profitable de laisser de la marge de manoeuvre à ses opérateurs, encore faut-il que ceux-ci soient doués. Toujours est-il que des erreurs peuvent survenir et que même les meilleurs peuvent avoir un mauvais instinct et lancer une mauvaise opération de communication. Le cas échéant, crier au piratage est inutile: si l’excuse est à la mode, elle contribue à donner l’impression d’un manque de sérieux et de sécurité… ce qui reste dommageable lorsque l’on parle d’une vitrine présidentielle. Il reste plus judicieux d’admettre une erreur dans le discours et de faire son mea culpa tout en lançant vite une opération plus intelligente.
– En matière d’agenda, il convient de s’interroger sur le choix politique. Si la présidence estime que la visite en Europe est prioritaire sur la cérémonie aux morts (pourquoi pas…), alors il faut anticiper le risque en termes d’images… et briefer ses équipes en conséquence. Les 36 hommes honorés ce jour-là sont un symbole. L’absence du président aussi. Elle donne l’impression que la lutte contre Boko Haram et le sacrifice de soldats camerounais ne sont pas la priorité absolue. Pas de bonne communication sans bonne décision du chef politique: une image -surtout mal montée- ne remplace pas une action.