Pour son passage à la conférence TED, le général à la retraite Stanley McChrystal a décidé de parler d’information. L’ancien patron des forces spéciales américaines, puis de la force internationale en Afghanistan, a retenu les fuites WikiLeaks comme une leçon significative. Elles lui ont enseigné l’anachronisme de la culture du secret entretenu par les militaires aux Etats-Unis.
« Le secret était dans notre ADN » note l’ancien officier. Dans les opérations de contre-terrorisme, il s’agissait alors de « protéger l’information » et de la répartir au sein de compartiments où chacun a accès à ce qu’il doit savoir pour mener à bien sa mission et pas plus. La question, au quotidien, est alors d’évaluer « qui a besoin de savoir« . Et la réponse n’est jamais évidente, se souvient le général McChrystal.
Cette expérience lui a enseigné une leçon en matière de gestion de l’information, témoigne-t-il: il faut passer d’une logique « la connaissance est le pouvoir » à une notion de « le partage est le pouvoir« . Pour lui, le savoir doit être partagé pour permettre à un maximum d’acteurs potentiellement pertinents d’y avoir accès. Une logique de travail en équipe au coeur de laquelle l’information devient un « lien« .
Pour McChrystal, WikiLeaks a ainsi été le point de départ d’un raisonnement qui doit donner naissance à un changement de culture. L’information doit circuler pour optimiser ses effets contre l’ennemi. « Le fait que je sache quelque chose n’a aucun intérêt si je ne suis pas personnellement capable d’en faire quelque chose« , résume-t-il. Ou comment passer d’un art du renseignement à un art du partage du renseignement.
L’officier se souvient ainsi d’une anecdote lors d’opérations contre des terroristes en Irak. Il du alors se demander, à propos d’informations concernant leurs activités et leurs méthodes, s’il devait les partager. Son adjoint renseignement, consulté, lui rétorque alors que les informations en question, leurs ennemis les connaissent puisqu’elles les concernent. Dès lors, autant qu’un maximum de partenaires les détiennent aussi.
Cette réflexion de Stanley McChrystal ne se veut pas une condamnation de la discrétion propre à certains pans du renseignement. Informer ne veut pas dire informer n’importe comment (lire à ce sujet mon billet sur la démarche de Julian Assange). Elle doit plutôt se comprendre comme un appel à une certaine démarche intellectuelle qui vise à une optimisation du partage de l’information, pour en exploiter au mieux la matière.
J’ai plus peur d’un bureaucrate qui bloque l’information que de quelqu’un qui la ferait fuiter. »
– Général Stanley McChrystal, mars 2014